Leader associatif, figure de la scène hip-hop ou encore candidat aux élections municipales, Steevy Gustave est toujours resté Brétignolais dans l’âme.
Attablé à un café du quartier de la Sablière pour les besoins de l’interview, Steevy Gustave aura serré quelques mains. Salué de nombreux promeneurs. Parfois, un taxi, une voiture, un bus passent et laissent échapper un coup de klaxon amical à son adresse. Ici, Steevy Gustave est chez lui. Au sens propre – il habite à deux pas – mais plus largement dans sa commune, Brétigny-sur-Orge. La ville qui l’a vu grandir et dont les plus anciens habitants peuvent témoigner du parcours atypique de l’homme de 51 ans.
Pourtant, Steevy Gustave passera quelques années loin de la Seine durant son enfance. Très loin, même. Fils de militaire, il suit sa famille à l’autre bout du monde, au gré des mutations de son père. Au Tchad, dont il garde un excellent souvenir, mais surtout à Djibouti, où il restera près de deux ans. Là-bas, le jeune garçon découvre une nouvelle culture mais est confronté à un drame personnel, puisque son père décède en service commandé. Toute la famille est alors rapatriée en France, direction Brétigny-sur-Orge, où le papa de Steevy venait d’acheter une maison. L’adolescent a alors 13 ans et reçoit le titre peu enviable de « pupille de la Nation ».
Sidney, Hip-Hop et effet miroir
De retour en France, Steevy s’engage à plein temps dans sa passion : la danse. Et plus particulièrement un genre encore méconnu dans l’Hexagone, le hip-hop. « Dans les années 80, le hip-hop était encore très discret, explique Steevy Gustave. C’est devenu mon exutoire. » Avec ses amis de l’époque, il se forme dans la rue, devant la Sorbonne, biberonné aux rares VHS venues des Etats-Unis et, surtout, à H.I.P H.O.P, l’émission présentée par Sidney, premier animateur noir à la télévision française. « Pour la première fois, j’ai pu profiter de l’effet miroir, qui est à mon avis essentiel. J’ai toujours voulu être un artiste mais avant que le hip-hop ne fasse son apparition, un jeune homme noir n’avait aucune référence. Je ne pouvais m’imaginer qu’en Michael Jackson ou Prince. »
Et il se trouve que l’adolescent est doué. De concours en concours, de Grigny à la Belgique, où il représente la France dans un championnat d’Europe, Steevy Gustave se fait un nom dans le milieu. Comme il le dit lui même, « le petit Brétignolais se retrouve à danser avec ses idoles. »
Premiers pas en politique
En parallèle de sa carrière artistique florissante (qui le mènera par exemple à devenir pendant une dizaine d’années chorégraphe de France Gall), Steevy grandit. Et très vite, s’implique. Car, il s’en rendra compte rapidement, le hip-hop détient une part de politique. Celle-ci se manifestera à travers son association Danse contre la délinquance. A la recherche d’une salle plus grande pour accueillir ses adhérents, le jeune homme se heurte au silence de la mairie de l’époque. Il écume les plateaux de télévision et finit par obtenir gain de cause. Devenant une sorte de « super-héros de la gauche », mais se faisant au passage quelques ennemis. Des inimitiés qui éclateront plus tard et de manière spectaculaire.
En 1995, Jean de Boishue, alors maire de Brétigny-sur-Orge, publie le livre Banlieue mon amour. A l’intérieur, un chapitre en particulier stupéfait Steevy : « Le F3 de l’oncle Tom ». « Des amis m’ont appelé pour me signaler que ce chapitre était inspiré de ma vie. Et c’était vrai. Il parlait par exemple d’un « père mort pour la France, loin sur une frontière africaine » ». Un procès pour injures raciales, des pressions multiples et quelques excuses publiques plus tard, l’affaire est terminée. Une « entrée » pour le moins violente dans la sphère politique qui n’empêchera pas le Brétignolais de se lancer dans le grand bain, dès 2001, avec une première candidature à l’élection municipale, suivie d’élections au Conseil municipal.
« Cette ville m’a tout donné et j’ai l’impression aujourd’hui de lui être utile »
Une aventure politique qui aurait pu prendre un tournant différent lors de l’élection municipale de 2020, marquée par une campagne rendue si particulière par la crise du Covid, au cours de laquelle il échouera d’un rien, obtenant 46,78 % des voix au second tour. Une défaite dure à avaler sans doute pour l’ancien sportif de haut niveau, aujourd’hui membre du parti EELV, mais qui ne l’a pour autant pas abattu.
« Je me sens un homme libre, j’ai d’autres choses dans la vie que la politique. J’ai une carrière de producteur artistique à mener. Je ne suis pas tout seul. J’ai une famille, un fils qui a fait de moi un grand-père. Ce n’est pas une défaite totale. J’espère à mon tour faire effet miroir : si un mec comme moi, avec des dreadlocks, peut en arriver là, les nouvelles générations peuvent en faire de même. Cette ville m’a tout donné et j’ai l’impression aujourd’hui de lui être utile. »