L’observatoire de Juvisy, de la Terre à la Lune

C’est un monument historique en péril : après des décennies de manque d’entretien, la municipalité veut sauver l’observatoire de Camille Flammarion et espère voir des travaux se lancer à l’été pour éviter son « délitement ». Malgré sa décrépitude, le lieu reste témoin d’une époque où Juvisy était un haut lieu de la science.

Le filet qui soutient la tour à l’entrée de l’observatoire en dit long sur l’état général du bâtiment. « Cela fait un long moment que l’observatoire est fortement dégradé, il manque d’entretien depuis des décennies. Si bien qu’aujourd’hui, il n’y pratiquement plus que la coupole qui soit accessible », déplore Michel Perrimond, le maire de la commune.

Malgré une première salve de travaux, qui concernait la partie haute de l’observatoire, sa coupole et la lunette astronomique, l’édile espère pouvoir lancer des travaux de consolidation de l’édifice à l’été 2019 afin d’éviter « le délitement du lieu, voire son effondrement, avant de passer à une deuxième phase de réhabilitation qui sera probablement un projet à plusieurs millions ». Triste constat pour l’édifice, pourtant classé monument historique depuis 2009.

La partie haute de l’observatoire, sa coupole et la lunette astronomique de Camille Flammarion ont été restaurés à la fin des années 2000, permettant de laisser le lieu partiellement accessible au public.

L’histoire du lieu est en effet ancienne et multiple. Construit en 1730, le bâtiment faisait à l’origine office d’auberge pour la cour royale, qui se déplaçait régulièrement jusqu’à Fontainebleau. Devenu un bien national en 1791, suite à la Révolution, le monument est finalement revendu et utilisé comme relais de poste. « C’est ici que, le 30 mars 1814, Napoléon 1er appris la capitulation de Paris et la chute de l’empire », précise l’association Les amis de Camille Flammarion.

L’inauguration de la gare de Juvisy, en 1843, rend le relais de poste obsolète. La bâtisse tombe alors, peu de temps après, dans les mains de Louis-Eugène Méret, un riche négociant bordelais et grand amateur d’horticulture qui transforme le jardin du futur observatoire en un véritable parc paysager. Ses efforts sont pourtant mis à mal par la guerre franco-allemande de 1870 : les Prussiens occupent la propriété et la défigurent. Dégoûté, le Bordelais ne souhaite pas réinvestir les lieux à la fin de la guerre. En 1882, il prend alors une décision qui changera le destin du lieu à jamais : il fait don du domaine à un scientifique dont il est un fervent admirateur, Camille Flammarion.

Camille Flammarion ou l’astronomie pour tous

Camille Flammarion, bien qu’étant moins resté dans les mémoires que son frère Ernest, fameux éditeur, était en effet une figure très populaire au XIXe siècle. Né en 1842 à Montigny-le-Roi (Haute-Marne), l’astronome a beaucoup œuvré pour la vulgarisation et la diffusion de cette science, notamment au travers de nombreux articles et d’une cinquantaine d’ouvrages. Il publie notamment, en 1879, l' »Astronomie populaire« , qui scelle définitivement son succès et sa célébrité. Il est d’ailleurs fait commandeur de la Légion d’honneur le 12 août 1922 pour son œuvre de vulgarisation.

Figure populaire du XIXe siècle, c’est sa renommée qui a permis à Camille Flammarion d’avoir son propre observatoire.

L’occasion est alors trop belle pour Camille Flammarion, lorsqu’il reçoit la propriété des mains de son généreux admirateur : loin des nuisances parisiennes et située au sommet d’une colline, la vieille bâtisse s’avère être un emplacement idéal pour l’observation du ciel. L’homme fera alors installer une coupole de 5 mètres de diamètres afin d’accueillir la deuxième lunette d’amateur de l’époque et transforme l’ancienne auberge en un haut lieu scientifique, avec une bibliothèque de plus de 10 000 volumes et, dans le parc, une station météo et une station de radio culture.

Ce nouvel observatoire privé permet surtout au scientifique de s’adonner à des exercices différents de ceux auxquels se consacrent les observatoires publics, qui s’échinent à l’époque à cartographier le ciel. Camille Flammarion, lui, se voue à l’astrophysique et observe le soleil, les planètes et leurs satellites ou encore des étoiles variables. Avec son adjoint Ferdinant Quénisset, il développe à Juvisy l’astrophotographie, permettant au commun des mortels d’observer à leur tour les astres « de près ».

Mort le 3 juin 1925, Camille Flammarion est enterré dans le parc de l’observatoire, soudant pour toujours le destin des deux. Après son décès, c’est sa seconde femme et ancienne assistante, Gabrielle Renaudot, qui reprend les rênes et les travaux de l’observatoire, jusqu’à sa mort en 1962.

A compter de cette date, la Société astronomique de France, créée par Flammarion en 1887, qui prend la responsabilité de l’observatoire. Mais les fonds de cette association ne permettent pas l’entretien de l’édifice. En 1971, un bail de 99 ans est signé avec la municipalité de Juvisy. Objectif : sauver ce lieu qui a vu passer événements historiques et découvertes scientifiques qui ont inscrit Juvisy dans la grande histoire de la science. Un objectif qu’il reste pourtant encore, en 2019, à atteindre.

Le nom de Camille Flammarion a été donné à un cratère lunaire par l’Union astronomique internationale en 1935. Mais l’héritage de Juvisy est également reconnu puisqu’en 1906, l’astronome allemand Max Wold découvre une planète mineure qu’il baptise 605 Juvisia, en l’honneur de l’observatoire.
Thibault LE VOT
Thibault LE VOT
Journaliste dans le nord de l'Essonne.