La sculptrice Iris Vargas vit à Champlan depuis une vingtaine d’années et nous a ouvert les portes de son atelier.
Qui a déjà visité le musée du Louvre est probablement passé par la cour Marly. Une cour illuminée, emplie de sculptures de chevaux et de divinités grecques. Quelques kilomètres plus au sud, à Champlan, il existe un lieu tout aussi impressionnant, quoique plus contemporain : le jardin de l’artiste Iris Vargas.
Difficile d’ailleurs de savoir où donner de la tête en découvrant les lieux pour la première fois, car partout s’amoncellent des sculptures diverses et variées. Une vingtaine d’années après avoir acheté ce terrain – qui lui sert également de maison et d’atelier – Iris Vargas connaît bien sûr les lieux comme sa poche. D’un pas rapide, elle nous guide vers l’une de ses sculptures monumentales. A l’instar de la plupart des œuvres de l’artiste, la statue devant laquelle nous nous arrêtons est une femme. « J’aime créer des formes féminines car ce sont des formes pleines de légèreté, de finesse, de sensualité », explique l’artiste.
Une sculpture pleine de modernité
Si les visages de ces femmes sont lisses et monochromes, leur corps semble en revanche épouser la forme de la pierre. Avec certaines de ses aspérités et souvent même, une couleur particulière. « Je n’impose plus de forme à la matière, chose que les artistes ont toujours fait, expose Iris Vargas. Je cherche des morceaux de marbre d’où se dégage déjà un buste. Je travaille ensuite avec la forme initiale de la pierre. Les sculptures de Rodin sont certes très belles, mais elles correspondent à une certaine époque. Mon travail est plus contemporain. »
Une modernité qui se retrouve d’ailleurs dans deux détails en particulier : les femmes d’Iris Vargas peuvent se mouvoir et, surtout, sont « habillées ». « Le marbre est une matière très riche qui permet d’imaginer des vêtements. Et de toute manière, les pigments colorés feraient plutôt penser à une peau malade. Sortir du nu est également une manière de les rendre plus vivantes, plus contemporaines. »
De la Cordillère des Andes à Paris
A intervalles réguliers, les paroles de la sculptrice sont couvertes par le vrombissement des avions, qui passent juste au-dessus de son atelier. L’occasion de s’arrêter quelques secondes sur son léger accent sud-américain.
Car bien avant de vivre en région parisienne, Iris Vargas est née de l’autre côté du globe, à San Cristóbal, à l’ouest du Venezuela. C’est d’ailleurs là-bas qu’elle fourbira ses premières armes de sculptrice, auprès de ses parents. « Dans la Cordillère des Andes, les gens travaillent beaucoup la terre glaise et mes parents ne faisaient pas exception. En bon chrétiens, ils fabriquaient des santons pour faire des crèches. Mon père, qui est Colombien, travaillait également le bois pour créer de l’artisanat typique, notamment des instruments miniatures comme des cuatro [ndlr : guitare à quatre cordes] et des maracas. J’ai pris goût à ce travail lorsque j’étais petite. »
S’ensuivront des études à Caracas, à la fois en arts plastiques, mais aussi en anthropologie. « A un moment donné, j’ai dû choisir entre une carrière d’artiste ou d’anthropologue. Lorsque j’ai vu ce que gagnait un anthropologue, je me suis dirigée vers la création », plaisante Iris Vargas. Un choix payant, qui l’amènera sur les bancs des Beaux-Arts de Paris dès 1979, puis de fil en aiguille en exposition dans le monde entier, quelques années après avoir vendu sa première petite sculpture à un étudiant en économie pour 500 francs.
« La retraite ? Quelle horreur ! »
Même à Champlan, l’Amérique du Sud et l’anthropologie n’ont jamais vraiment quitté Iris Vargas. Preuve en est donnée dans un recoin de son jardin. Au détour d’une petite carrière de pierres, l’artiste soulève quelques branchages et pénètre dans un passage entièrement recouvert de végétation. Du bambou en garde l’entrée. « Je vous préviens, des gens sont déjà entrés en transe ici », lance malicieusement l’artiste. Et pour cause : il s’agit du « Sanctuaire ». Un lieu retiré, gardé symboliquement et théâtralement par certaines de ses premières œuvres, représentant des petites statuettes précolombiennes.
Sur la route du retour, on croisera l’établi de la sculptrice. Des immenses poulies et des outils, nous n’aurons qu’une vision brève. Charge à nous d’imaginer l’aspect physique de son travail, que l’on peut deviner en constatant l’utilisation d’une tronçonneuse et même d’un marteau-piqueur. Une chose est en tout cas certaine : Iris Vargas n’est pas prête de s’arrêter : « Je continuerai à sculpter jusqu’à ma mort. La retraite ? Quelle horreur ! »