Bernard Nanty, Leuvillois et collectionneur de cartes postales [Portrait]

A 81 ans, Bernard Nanty est une figure des collectionneurs de cartes postales en France. Il en possède aujourd’hui plus de 400 000.

Accroupi dans un salon aux allures de musée, Bernard Nanty s’affaire à relancer le feu de sa cheminée. Malgré la bûche supplémentaire, les flammes sont timides, entraînant dans leur sillage un bref mais tonitruant éclat de rire. « Dites donc, on dirait bien qu’on a là un feu de femme veuve ! », lance t-il avec le sourire. Sur le chemin qui le mène jusqu’à sa table, le robuste octogénaire passe à proximité de ses trésors : des photos bien sûr, mais aussi des piles de livres anciens, d’affiches, de magazines et même quelques poupées. Cette maison (« l’une des plus vieilles maisons de Leuville, qui date des années 1750 », précise-t-il), qu’il occupe depuis 1986, est son royaume.

Et sur la table de la salle à manger trônent quelques uns des joyaux de sa couronne : des albums de cartes postales. Car Bernard Nanty est un cartophile. Et pas n’importe lequel. « J’ai plus de 400 000 cartes dans ma collection, souligne-t-il. Même si j’ai une connaissance sur l’ensemble du spectre des cartes postales, je suis plutôt spécialisé dans la période « semi-moderne », qui s’étend de 1920 à 1975 » Une passion et surtout une expertise qui l’auront amené dans les hautes sphères. Expert à l’agence photo Roger Viollet, contributeur pour plusieurs magazines spécialisés, participant ou responsable de très nombreux salons ou même président – toujours à l’heure actuelle – du Cercle international des collectionneurs de cartes postales contemporaines.

A la recherche des archives

« Quand j’étais gamin, pendant la guerre, il n’y avait pas beaucoup de distractions. Il se trouve qu’il y avait chez moi deux ou trois albums de cartes postales. Et quand j’étais sage, j’avais le droit d’y jeter un œil ! » S’il ne parvient pas – outre cette anecdote – à dater exactement les débuts de son amour pour la cartophilie, Bernard Nanty peut en tout cas dire avec précision à quel moment sa collection de cartes à l’effigie de Leuville-sur-Orge a démarré. Nous sommes alors au tout début des années 70 et l’ancien apprenti de la SNCF, devenu dessinateur industriel en plein pendant la crise de mai 68, est arrivé depuis peu dans la commune essonnienne. « Rapidement, je me suis impliqué dans la vie associative. Tout aussi rapidement, je suis devenu le plus jeune conseiller municipal de la commune », plaisante t-il, repartant de son rire franc.

L’Axonais d’origine est alors en charge de la culture. Il se met en quête de documents photographiques sur Leuville. Et trouvera son bonheur grâce aux cartes postales. « Les cartes postales sont des documents iconographiques extraordinaires, rappelle-t-il. Bien souvent, ce sont les seules archives photographiques des villages, surtout en banlieue parisienne. Au début du siècle, toutes les fêtes étaient couvertes par les photographes du coin, qui vendaient ensuite leurs clichés sur le support carte postale. »

L’avenir de la carte ne sera « pas triste »

Il faudrait des jours pour discuter avec l’intarissable passionné de l’évolution de la carte postale. De l’âge d’or du tout début du siècle, au cours duquel les cartes postales s’échangeaient comme des cartes Pokémon jusqu’à nos jours, où l’on réserve plutôt cet honneur à nos proches durant les vacances, en passant par les années 80, où ces objets représentaient l’un des meilleurs placements financiers possibles. Il faudrait même probablement des semaines, voire des mois, pour parcourir les albums du collectionneur. L’on pourrait d’ailleurs y croiser Brigitte Bardot, Jean-Claude Brialy et autres Picasso.

Mais dans l’immédiat, Bernard Nanty est bien occupé. Encouragé par l’affluence du dernier salon palaisien, l’octogénaire prédit un avenir « pas triste » pour le monde de la carte postale, malgré la rude concurrence des e-mails et la chute des cotes. Pas de quoi le décourager, donc, lui qui prépare une nouvelle exposition consacrée au 60e anniversaire des accords d’Evian. Avant de, pourquoi pas, se consacrer à son rêve : ouvrir une cartothèque en Essonne.

Robin LANGE
Robin LANGE
Journaliste dans le nord de l'Essonne. Il traite notamment les sujets de Paris-Saclay.