Corbeil-Essonnes : grièvement blessé par balle, Fatah Hou témoigne à la barre de la cour d’Assises

Depuis mardi 10 mai, se tient le procès de Younès Bounouara, jugé pour tentative de meurtre sur Fatah Hou, sur fond d’un contention autour des achats de vote présumés à Corbeil-Essonnes.

Boitant, le dos courbé et la main droite entourée d’un pansement jusqu’au poignet, Fatah Hou s’avance jusqu’à la barre, mercredi 11 mai, avant de s’asseoir sur une chaise pour témoigner, incapable de rester debout longtemps. C’est le deuxième jour du procès de Younès Bounouara (lire le portrait de l’accusé dans l’édition du jeudi 12 mai du Républicain de l’Essonne) jugé pour tentative de meurtre sur Fatah Hou, âgé de 33 ans au moment des faits, le 19 février 2013. Ce jour-là, l’accusé le blesse grièvement par balle (lire ci-dessous).

« Je voulais dénoncer le système Dassault. Comment ils ont pu essayer de m’assassiner? » Fatah Hou

Fatah Hou ne mâche pas ses mots. Sa colère se ressent dans sa voix éraillée. « Il m’a laissé pour mort et s’est enfui en Algérie », martèle-t-il. La victime rappelle les écoutes téléphoniques (diligentées suite à une autre tentative de meurtre quelques mois plus tôt) à plusieurs reprises et les mots qui ont pu y être échangés. Car pour lui, cela ne fait pas de doute, on lui en voulait d’avoir parlé. « Je voulais dénoncer le système Dassault. Comment ils ont pu essayer de m’assassiner ? » Car si le procès qui se tient jusqu’à mercredi 18 mai a pour but de juger Younès Bounouara pour tentative de meurtre, il est intrinsèquement lié aux achats de votes présumés à Corbeil-Essonnes (une instruction judiciaire est en cours au pôle financier de Paris sur cette affaire, les différents protagonistes bénéficient de la présomption d’innocence).

La thèse tenue par Fatah Hou est qu’il aurait été victime de cette tentative d’assassinat car il a révélé ces achats de votes. Achats de vote auxquels Fatah Hou aurait participé et pour lesquels, dit-il, il n’a pas été rétribué. D’où sa décision de révéler « le système Dassault ». Une position trouble qu’a soulignée l’avocat général, Jean-Michel Bourlès, mercredi 11 mai. « Je n’arrive pas à comprendre votre logique avec le système Dassault, a-t-il interrogé la victime. Quelques années plus tôt déjà, vous aviez dénoncé les achats de voix sur Corbeil-Essonnes avant de vous rétracter car vous aviez le sentiment d’une mise en danger de votre famille… Et quelques années plus tard, à la demande de votre beau-frère, vous recommencez à vous impliquer dans une affaire comme celle-là. »

Une caméra cachée chez Dassault

La première fois en 2009, Fatah Hou avait écrit une attestation pour laquelle il s’était rétracté. La seconde, en 2012, il avait rencontré Serge Dassault accompagné de René Andrieu, l’autre partie civile de ce procès, et il l’avait filmé en caméra cachée pour lui faire dire qu’il avait rétribué les votants. A la question de l’avocat général, Fatah Hou a répondu qu’il avait « un goût amer ». « Ils avaient viré ma femme car Serge Dassault a des part à la BNP où elle travaillait. Je savais que ça pouvait être dangereux mais pas au point de me faire tirer dessus. »

Mais l’avocat général d’inciter : « La première fois, vous vouliez dénoncer parce que l’argent de l’achat des voix vous aurait permis de créer votre société de gardiennage et la seconde fois, votre beau-frère voulait toucher de l’argent… Vous n’avez pas l’impression de participer au système vous-même ? Si vous aviez touché l’argent, est-ce que vous l’auriez dénoncé ? » La réponse de la victime a été on ne peut plus claire durant son audition : « Si j’avais touché, je serais dans leur camp. J’aurais pas eu une balle dans la peau. » Mais Fatah Hou a encore rappelé qu’il était la victime dans cette affaire.

Retrouvez les temps forts de ce procès dans l’édition du jeudi 19 mai du Républicain de l’Essonne.

 


 

De très graves blessures

Mercredi 11 mai, a été entendu le médecin légiste qui a retranscris l’ensemble des examens et blessures subies par Fatah Hou. Lorsqu’il est touché par balle le 19 février 2013, elle a assuré que sans la prise en charge rapide des amis de Fatah Hou, il serait peut-être mort s’il avait fallu attendre les secours. La balle qui a traversé la victime a provoqué de nombreuses lésions : une hémorragie importante dans le thorax accompagnée d’air (hémopneumothorax), une entrée d’air dans le médiastin, la cavité contenant le coeur, un emphysème (air sous la peau), une fracture de l’arc postérieur de la 6e cote gauche, une fracture de l’omoplate gauche, une fracture des 4e et 5e vertèbres thoraciques, et une fracture de l’arc antérieur de la 2e cote droite. 

Maintenu en coma artificiel pendant 3 jours, Fatah Hou s’est réveillé avec une «paralysie flasque» des membres inférieurs et du tronc en dessous du nombril. Son bras droit, en raison d’une atteinte au plexus brachial (qui contient tous les nerfs fonctionnels et sensitifs du bras), est lui aussi paralysé. A l’issue d’une très longue convalescence et grâce à plusieurs chirurgies, Fatah Hou est en mesure de remarcher, même s’il ne pourra «jamais courir à nouveau avec ses enfants» comme il l’a expliqué à la cour. Il n’a toujours pas récupérer l’entière fonction de son bras droit et surtout de sa main droite.