Le Ballancourtois Tommy Douillard est devenu, au cours de l’automne dernier, champion du monde de voltige aérienne.
Pour prendre la mesure de ce qu’a accompli Tommy Douillard, il nous faut d’abord traverser l’Atlantique. Direction donc les Etats-Unis et plus précisément Las Vegas. Son désert, ses casinos et, l’espace d’une quinzaine de jours, ses avions. Du 24 octobre au 4 novembre dernier, c’est en effet là, sur les installations du Jean Airport – à quelques kilomètres du célèbre Caesars Palace – que se déroulait une compétition particulièrement prestigieuse : les championnats du monde « advanced » de voltige aérienne.
Dans le ciel du Nevada, ils sont une soixantaine à se disputer le titre. Américains, Roumains, Canadiens et autres Brésiliens (au total, 17 nations et cinq continents représentés) se succèdent sur la piste, avec pour objectif de remporter la palme et de battre les cinq pilotes Français, qui font partie des favoris de la compétition.
Las ! A l’issue des quatre programmes composés de figures apprises au sol par les compétiteurs, les juges rendent leur verdict. L’équipe de France devient championne du monde par équipe devant la Roumanie et les Etats-Unis. En individuel, quatre points (sur un peu plus de 11 000) séparent le grand vainqueur, Tommy Douillard, de son compatriote Vladimir Gras. Pour sa première participation aux championnats du monde, la réussite est totale : l’Essonnien est sur le toit du monde.
Une passion familiale
Quelques mois après l’exploit, c’est à Baulne – loin de « Sin City » – que Tommy Douillard a repris ses quartiers. Un village où il s’est installé récemment, après avoir vécu plusieurs années à Ballancourt, L’occasion de faire un point sur la carrière de l’aviateur de 28 ans. «Depuis que je suis tout petit, l’aviation me fascine. Il faut dire que c’est à l’origine une passion familiale, explique t-il. Mon père et mon grand-père étaient eux-mêmes passionnés d’aéronautique et ils fabriquaient des modèles réduits, que j’ai commencé à piloter vers six ans.»
Rapidement, la passion pour le pilotage semble s’accompagner d’un certain goût pour la compétition. A 14 ans déjà, le natif d’Evry monte sur un premier podium, en devenant vice-champion de France de modèles réduits spécialisés en voltige. Sans surprise, il ne faudra pas très longtemps au jeune amateur de modèles réduits pour se lancer dans l’aventure à plus grande échelle. En parallèle de ses études (dans… l’aéronautique, bien entendu), Tommy Douillard commence donc à voler « pour de vrai ». D’abord au sein du mythique aérodrome de la Ferté-Alais, où il obtient sa licence de pilote en 2016. Puis vers Dijon, club de base de l’équipe de France de voltige. La discipline qui l’amènera au sommet. Mais justement, s’il est compliqué de se faire une idée sur le papier en tant que non-initié, une question se pose : ça fait quoi de voler ?
« C’est une sensation merveilleuse, affirme Tommy Douillard. En ce qui concerne la voltige, le plus agréable pour moi est sans doute de pouvoir piloter un appareil fantastique, un équivalent de la Formule 1 des avions [ndlr : un Extra 330 SC pour les connaisseurs], à la fois extrêmement puissant et d’une manœuvrabilité totale. Cela donne l’impression de fusionner avec l’avion, de ne faire plus qu’un avec lui. Surtout que les programmes de vol nécessitent des gestes extrêmement précis, effectués dans la durée. »
Résister à la pression
Tout comme leurs homologues de Formule 1, les pilotes de voltige aérienne doivent d’ailleurs gérer un aspect délicat : la pression. Celle du résultat évidemment, mais aussi, plus prosaïquement, celle qui s’exerce dans l’appareil au cours des spectaculaires figures. « La voltige est une activité très physique. Durant une session de vol d’une vingtaine de minutes, je peux perdre jusqu’à un litre d’eau, rien que par la sudation. Il faut également supporter des gros facteurs de charge, des écarts de +8 à -7 « G » [ndlr : une mesure d’accélération, 1 G correspondant à peu près à la pesanteur sur Terre]. Pour donner une idée, il peut m’arriver pendant une figure de peser pas moins de 500 kg. Le sang part alors dans les jambes et pour ne pas être soumis à ce qu’on appelle le « voile noir », c’est à dire avoir la vision totalement éteinte, il faut mettre en place des manœuvres « anti-G ». Cela demande une excellente condition physique. »
Pour se décharger de cette pression, les astuces sont nombreuses, comme le fait de « beaucoup crier » durant les vols.
Pour l’anecdote, Tommy Douillard a une petite marque de fabrique difficilement repérable depuis le sol et qui ne plaît pas à tous les instructeurs. Le chewing-gum.
« J’ai du mal à voler sans en avoir un dans la bouche et j’ai même une poche spéciale qui en est remplie, plaisante le pilote. J’apprécie beaucoup le goût de la menthe, mais je me suis déjà fait refuser quelques sessions en début de carrière à cause de cela. Mais c’est à noter : je n’ai jamais avalé de chewing-gum au cours d’un vol ! »
Pour l’heure, Tommy Douillard s’avance avec de nouveaux rêves. Le titre en catégorie « Advanced » en poche, place désormais à l’attaque du cran supérieur, le « Unlimited ». Ultime niveau de la voltige aérienne (et par ailleurs chasse gardée traditionnelle des pilotes français au niveau mondial) et prochain objectif de l’Essonnien. Pour cela, le pilote devra sans doute augmenter son volume annuel de vol (aujourd’hui d’une quarantaine d’heures), de même que son budget. Un aspect sur lequel travaille Tommy Douillard, actuellement à la recherche de nouveaux sponsors et partenaires. Quoi qu’il en soit, l’aventure continuera dès le début de l’été, avec les championnats de France sur l’aérodrome d’Albert (Somme).