Gisèle Martin fait partie des figures emblématiques de Milly-la-Forêt. Depuis près de trente ans, elle organise le Marché de l’Herboriste, une Fête des Plantes devenue incontournable en Essonne.
À 84 ans, Gisèle Martin mène une vie riche et active. Lorsque son téléphone sonne, la première question qui lui est posée est : « Es-tu occupée ? » Son agenda, qu’elle sort de son sac à main, en est la preuve. Il est rempli de rendez-vous notés au stylo. « Je suis de la vieille école, j’écris tout sur mon agenda et je ne sors jamais sans », dit-elle en souriant.
Sur sa veste, Gisèle Martin arbore un Pin’s des Amis de Jean Cocteau, un collectif d’amateurs d’art passionnés par l’artiste et ses œuvres, dont elle fait partie. Elle se reconnaît dans l’attachement qu’éprouve le poète envers Milly-la-Forêt, ville qu’elle découvre à l’âge de 23 ans.
Des racines parisiennes
Issue d’une famille parisienne depuis cinq générations, Gisèle Martin est née le 11 février 1940 dans le XIVe arrondissement de la capitale. Durant la Seconde Guerre mondiale, ils déménagent au Bourget en Seine-Saint-Denis. Après la guerre, Gisèle entame des études à l’École des Comptables de France. Sa rigueur et son professionnalisme sont rapidement remarqués, au point qu’elle est recrutée avant même d’avoir terminé sa formation.
À 17 ans, Gisèle commence sa carrière de comptable pour la plus grande librairie de la Rive droite de Paris. Pendant cinq ans, elle y gère les finances et supervise l’acheminement des commandes. C’est à la suite de sa rencontre avec Albert, l’homme qui deviendra son mari, que Gisèle Martin décide de se lancer dans une nouvelle aventure : ouvrir une librairie à deux. « Il venait de Cherbourg et faisait son stage à la librairie dans le cadre de son diplôme de libraire de France », raconte l’ancienne comptable. Il m’a proposé qu’on parte ensemble. J’ai accepté et nos parents nous ont aidés à nous lancer. »
C’est à partir de 1963 que le couple entend parler d’une librairie à vendre sur la place du Marché à Milly-la-Forêt. Séduits par cette opportunité, ils décident de quitter la capitale pour s’installer dans ce cadre bucolique. « Au début, c’était compliqué, je quittais un pavillon pour venir vivre dans un appartement juste au-dessus de la librairie sans eau courante et accessible depuis un escalier vermoulu, se souvient-elle. La boutique proposait à peine une trentaine de romans de grand-mère et quelques 200 carnets pour les écoliers, ça nous a fait sourire venant d’une librairie parisienne. »
Gisèle et Albert se marient en août 1964 juste avant d’ouvrir la librairie le mois suivant. Il n’est pas question de partir en lune de miel, ils s’affairent à rénover la boutique. Malgré ces débuts modestes, le couple parvient à attirer une clientèle fidèle, notamment pour les livres d’art. « Le dimanche matin, avec mon mari, on installait une grande table au milieu de la boutique pour préparer les bons de commande à donner au coursier et ainsi recevoir les livres le mardi à l’ouverture. Pendant ce temps, les jeunes qui préparaient des concours aux grandes écoles pouvaient venir étudier chez nous, se remémore-t-elle. Il n’y avait pas de bibliothèque à l’époque alors la librairie leur permettait d’avoir accès aux encyclopédies. Certains sont partis pour l’ENA ou encore l’Institut polytechnique. » Le couple vend son commerce en 2001 après avoir exercé 37 ans dans le centre-ville milliacois et Gisèle Martin s’engage dans les actions bénévoles sans compter ses heures. Son amie Annick Villaumé témoigne : « Gisèle est un très joli porte-drapeau pour Milly-la-Forêt, elle a à cœur de préserver le patrimoine végétal : quand elle organise le Marché de l’Herboriste, elle le fait toujours avec passion, détermination et une réelle générosité. Elle a donné beaucoup de bonheur aux autres et j’espère qu’elle en a ressenti aussi ».
Son engagement envers les nouvelles générations est comme enraciné en elle : « Je ne supporte pas qu’on mette tous sur le dos de la jeunesse. Ils n’ont pas les mêmes difficultés que nous, mais ils en ont des nouvelles à affronter, soyons charitables et donnons leur la parole pour les aider à se sentir à leur place. » La bénévole encourage les jeunes, mais aussi les moins jeunes à rejoindre des associations : « J’ai commencé le bénévolat, je tenais un commerce indépendant avec mon mari, on élevait notre fils et j’assistais mes parents vieillissants et rien ne m’empêchait de donner de mon temps. L’important est de faire plaisir à tout le monde et de ne pas voir le bénévolat comme une corvée ».
La Milliacoise d’adoption œuvre en faveur de nombreuses causes qui lui tiennent à cœur comme la recherche médicale avec l’Institut Curie, notamment à l’occasion des opérations Une jonquille contre le cancer et Octobre rose, l’AFM-Téléthon. Malgré ses nombreuses activités, la bénévole octogénaire trouve le temps de coudre, de tricoter et de s’occuper des roses de son jardin.
Dévouée au patrimoine végétal
Tout a commencé avec l’APAM, l’Association pour l’Animation de Milly-la-Forêt, dont Gisèle Martin devient présidente en 1976. Elle reprend la main sur les festivités comme les Heures de Milly. L’Histoire de la Ville se raconte à travers les spectacles sons et lumières : les 500 ans de la Halle, les 100 de la mairie, etc. Elle crée la Fête du Potiron, le Marché des Potiers, le salon Arts & Tradition et la fameuse Fête des plantes qui a célébré sa 27e édition en 2024. « Le Marché de l’Herboriste est né un jour de colère, souligne-t-elle. Depuis le Moyen-Age, on cultive des plantes aromatiques et médicinales à Milly-la-Forêt, mais rien n’est fait pour mettre en avant ces plantes, alors j’ai présenté le projet et une dizaine de volontaires a souhaité s’engager auprès de moi ».
En 1996, lors de la première édition, il y avait sept exposants sous la Halle. Les 1er et 2 juin derniers, ils étaient 80 à occuper le parc du Moustier et son parking. Pour Gisèle Martin, gérer toutes ces animations devenait trop lourd. Un choix s’imposait : le Marché de l’Herboriste deviendrait une association à part entière, et elle ne s’occuperait plus de l’APAM.
Elle montre son attachement aux cultivateurs en étant administratrice au Conservatoire national des Plantes à parfum, médicinales et aromatiques, ainsi qu’à l’Association de Développement de la Filière PPAM sur Milly-la-Forêt et sa région (AdéPAM) qui regroupe 30 agriculteurs du Gâtinais. Son prochain rêve : la création d’une école d’herboristerie, un lieu de formation à destination des jeunes sensibilisés à la nature. Pour cette fervente défenseure des plantes, ce serait une suite logique après la création du Conservatoire des plantes et de la distillerie d’huiles essentielles.
Engagée, volontaire, acharnée, têtue… De nombreux qualificatifs correspondent à Gisèle Martin. Elle tient sa force de caractère de l’éducation transmise par ses parents, qu’elle remercie encore aujourd’hui : « La rigueur dans le travail et le bénévolat est essentielle pour moi et cela ne me pèse pas. Je ne me sens pas tranquille si je laisse traîner les choses ». Elle transmet cette éducation à la fois rigoureuse et tolérante à son fils Xavier et à son petit-fils de 16 ans : « Il sait qu’une bêtise, on peut la faire une fois, car on apprend. Mais pas plus de deux fois. Il sait aussi qu’il est important de respecter les libertés de chacun et de savoir se remettre en question. »
A 84 ans, Gisèle Martin prône le vivre-ensemble : « On se nourrit les uns les autres, les anciens, les jeunes, les nouveaux habitants. Nous avons tous quelque chose à apprendre et à transmettre. »