« Les transports ? Je ne les prends plus car j’ai peur »

La SNCF organise des marches exploratoires dans certaines gares afin de tenter d’améliorer la sécurité dans les stations. Une marche avait déjà été organisée à Dourdan il y a quelques mois, c’est à Evry que s’est tenue la plus récente. 

Heure de pointe à la gare RER du Bras de Fer à Evry. Il est 18h30. La station est excentrée du centre-ville, à quelques centaines de mètres de la Faculté des métiers et du centre hospitalier sud-francilien. Et ce mercredi de juin, il y a un groupe, au milieu de la gare. Une quinzaine d’usagers du RER est attroupée. Des femmes pour la plupart. Un homme aussi. Ils observent. Scrutent. Comme s’ils cherchaient quelque chose.

S’ils sont réunis ce soir, c’est pour participer à une marche exploratoire : une “balade” dont l’objectif est de mettre le doigt sur les “points noirs” de la station, c’est à dire les lieux qui paraissent les moins sécurisés aux usagers. Et le groupe entame la visite par l’entrée située place du 14-mars-1962. Et là, les langues se délient.

Un numéro d’urgence mis en place

« Ici, il manque une lumière. » « Les ampoules sont grillées », se plaint Aissatou. Aissatou travaille au Stade de France. Malvoyante, elle fait matin et soir un trajet qui la rassure de moins en moins : « La nuit, sans lumière, cela manque de sécurité. » Dans le hall, les clientes continuent : « Regardez, il manque encore des lumières ! » C’est à Pascal Paquerot qu’elles s’adressent. Lui, est responsable régional sécurité à la SNCF. Il est là pour pour écouter, « pour laisser les gens s’exprimer, explique-t-il. Toujours dans le but d’améliorer le bien-être des voyageurs. » Mais aussi, il tente d’apporter des solutions.

Au fil de la découverte de la gare, il précise que certaines mesures ont déjà été mises en place pour lutter contre les incivilités et agressions. Un numéro d’urgence par exemple, le 31 17. Mais également un service SMS, le 3 11 77. « Je n’étais même pas au courant que ces services existaient, indique Joël, 66 ans, le seul homme de la bande et qui habite à Evry. Et je suis persuadé que les gens empruntent le RER sans réellement faire attention à tout ça. » Une borne d’urgence a également été installée près des quais. Dès que le bouton est enclenché, le centre de gestion des appels situé à Gare de Lyon est prévenu et les agents interviennent aussi vite que possible.

Des chiffres révélateurs

Mais qu’importe toutes ces installations. Pour Emilie, mère de trois enfants dont deux en bas âge, la sécurité n’y est pas. « Les transports ? Je ne les prends plus car j’ai peur. Si Monsieur n’est pas là, je trouve une autre solution. » Et d’ailleurs, les chiffres parlent. En avril 2015, un avis sur le harcèlement sexiste et les violences sexuelles dans les transports communs a été rendu par le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Bilan : sur les 600 femmes de Seine-Saint-Denis et de l’Essonne interrogées, toutes ont subi au moins une fois dans leur vie du harcèlement sexiste ou une agression dans les transports en commun. Et c’est sur les quais que les remarques sont les plus criantes. Encore les lumières !

Les quais sont sombres, « en hiver, ça l’est encore plus. » Attendre le train dans ces conditions peut vite devenir « angoissant ». Toutes les femmes acquiessent avec un signe de la tête. Mercredi 15 juin, une marche exploratoire a eu lieu en gare d’Evry-Courcouronnes. « Ce sont plutôt les squats qui ont été dénoncés », explique Chloé Leray, coordinatrice du conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la déliquance Evry-Courcouronnes. Elle aussi prend les transports et ajoute : « Même si on sait qu’il ne nous arrivera rien, nous ne devrions pas avoir ce sentiment de peur. »