Mécanicien à ses débuts, team manager et co-actionnaire aujourd’hui, Pascal Rauturier est lié au team Graff depuis plus de vingt ans à travers le sport automobile. Il va écrire une nouvelle page du team ce week-end à l’occasion du Centenaire des 24 heures du Mans.
Au siège du Graff, à Morangis, des dizaines de coupes emplissent des étagères sur plusieurs mètres. Parmi ces trophées, il y en a un auquel tient particulièrement Pascal Rauturier, celui remporté aux 24 heures du Mans 2018 dans la catégorie LMP2 (2e). « C’était seulement notre deuxième participation depuis le rachat de l’entreprise en 2012, rappelle le team manager de l’écurie. Ce podium, c’était la cerise sur le gâteau, l’apothéose, l’aboutissement de cinq années de travail à remonter une structure et à l’inscrire comme une équipe majeure et professionnelle dans le monde de l’endurance. » Une performance en soi quand on sait que le Graff, créé en 1985 par le pilote Jean-Philippe Grand (le Gra de Graff), associé au journaliste François Fayman (le FF de Graff), a failli mettre la clé sous la porte avant que Pascal Rauturier, salarié de l’écurie depuis 1998, ne reprenne l’activité avec Eric Trouillet. PDG du groupe éponyme, fondé à Morangis et spécialisé dans la carrosserie industrielle, ce dernier a été le premier client de Pascal Rauturier avant de devenir son associé. « Au départ, l’objectif était d’amener Eric à un niveau de pilotage plus pro avec plus d’encadrement. L’objectif Le Mans est arrivé après », explique cet ancien mécanicien de 50 ans, qui a gravi les échelons (chef d’équipe, responsable d’exploitation) avant de faire le grand saut en devenant team manager et co-actionnaire en 2013, délaissant la partie technique au profit de la partie commerciale. « Quand on est actionnaire, on mène le projet de A à Z. Il faut trouver des financements pour les programmes que l’on monte avec les mécaniciens et les ingénieurs. Il faut aussi trouver les pilotes, c’est de « l’assemblage » », explique Pascal Rauturier que rien ne prédestinait à gérer une entreprise.
D’abord attiré par la moto
« Je suis un autodidacte », lance ce passionné de mécanique depuis l’adolescence, davantage attiré par la moto que par la voiture. « Je me suis toujours intéressé au développement des moteurs. Quand j’avais 14-15 ans, on faisait du deux-roues, des compétitions sur des mobylettes. J’avais des potes qui avaient des Solex, d’autres des 103 Peugeot, on les préparait, on faisait des compétitions Ufolep », se souvient Pascal Rauturier. Mais une rencontre au lycée va lui faire prendre une autre voie. « On avait un prof’ passionné de sport automobile qui nous faisait travailler sur des projets dans ce domaine. » Coupe 205 dans le cadre des rencontres Peugeot Sport, championnat de France de Formule Ford, il passe du rallye à la monoplace toujours animé par la même passion : la compétition. « J’ai bossé pour beaucoup d’équipes. A l’époque, c’était moins pro que maintenant. On bossait la saison et l’hiver on retournait dans un garage », raconte Pascal Rauturier, dont la vie professionnelle prend un autre tournant après une nouvelle rencontre.
Il travaille avec de futurs grands pilotes
« Sur une compétition de Formule Ford, j’ai fait la connaissance du chef d’équipe de Graff. Quand j’ai fini mes études, je suis allé travailler chez eux. Depuis, je n’ai jamais quitté le Graff. » L’écurie aux couleurs bleu-blanc-rouge est alors basée en Touraine, à une grosse centaine de kilomètres de sa région d’origine, le Choletais.
Mécanicien à ses débuts, il va travailler avec de jeunes pilotes sur différents programmes de course (Formule Renault dans les années 2000 puis Porsche Carrera Cup). Parmi eux notamment, Loïc Duval et Patrick Pilet, qui vont s’illustrer par la suite en endurance. Le premier remporte avec Audi les 24 heures du Mans en 2013. La même année, il est aussi champion du monde d’endurance. Le second s’est offert deux podiums en GT Pro avec Porsche (2e en 2013, 3e en 2019). « Beaucoup de très bons pilotes sont passés par le Graff, qui a marqué l’histoire du sport auto français avec beaucoup de titres, autant voire plus que d’années d’existence, apprécie Pascal Rauturier. Quand j’ai repris l’activité, j’avais à cœur de générer, de garder le même état d’esprit de formation de pilotes d’excellence. C’était dans l’ADN de Jean-Philippe Grand. J’ai continué dans ce qu’il avait insufflé : la recherche de la performance. On n’a pas autant de titres en faisant juste les choses pour les faire. Il faut avoir la passion, la passion de bien faire les choses, d’aller chercher les derniers dixièmes. C’est cela qui a fait notre réussite durant toutes ces années. »
« Les 24 heures, c’est le dépassement de soi »
A nouveau engagé cette année aux 24 heures du Mans, pour l’édition du Centenaire (lire page 27) – « une chance », dixit Pascal Rauturier – le Graff est prêt à relever ce défi humain. « Cette course symbolise le dépassement de soi. C’est physique pour les pilotes, pour l’équipe technique. C’est le Graal pour tout le monde, pilotes, mécaniciens ou ingénieurs. Il y a toujours une émotion particulière d’emmener une voiture au bout des 24 heures. Finir, c’est une première victoire », estime Pascal Rauturier qui rêve d’un nouveau podium dimanche.
Aymeric Fourel