Agé de 19 ans et déjà condamné pour des faits similaires en tant que mineur, le prévenu a expliqué s’être déradicalisé depuis un peu plus d’un an. Il a profité de l’audience pour revenir sur son parcours.
Soixante-quatre feuillets d’explication sur la fabrication de bombes artisanales, des milliers de vidéos de propagande de l’Etat islamique ou encore un manuel de maniement d’armes de guerre. Le contenu du téléphone portable d’un jeune génovéfain de 19 ans a de quoi inquiéter et lui a valu de comparaître devant le tribunal correctionnel d’Evry-Courcouronnes ce vendredi 4 octobre. S’il n’a pas caché avoir été radicalisé pendant son adolescence, le prévenu s’est toutefois déclaré déradicalisé depuis un peu plus d’un an. La présence de ces fichiers s’expliquant selon lui par ses abonnements à de nombreuses chaînes sur le réseau social Télégram, enregistrant automatiquement leur contenu sur son téléphone.
« Les vidéos de décapitation m’ont brisé »
Lors de l’audience, le jeune homme, cheveux longs et barbe du même acabit, est revenu longuement sur les circonstances qui l’ont amené à fréquenter les sphères du djihadisme. « Cela a commencé en 2015, a-t-il expliqué. A ce moment-là, je baignais dans la solitude et, psychologiquement, je n’allais pas bien du tout. J’ai donc trouvé refuge dans les réseaux sociaux. Je passais littéralement mes journées sur Internet. Sans ami, sans vie sociale et en froid avec ma famille, je suis alors devenu une proie facile pour les rabatteurs. » Et ces derniers ne tardent pas à faire leur apparition. Séduit en ligne par le discours « protecteur » de ces personnes, l’adolescent commence dès lors à s’intéresser aux insoutenables vidéos de propagande. Le début de l’engrenage. « Je regardais de temps en temps des vidéos de combat, qui sont réalisées comme des films d’action. Je dois reconnaître que cela a eu un effet addictif car je n’en avais jamais assez. Avec le recul, en revanche, les vidéos de décapitations m’ont brisé. Elles ont encore un impact psychologique sur moi aujourd’hui. C’est très dur de s’en remettre. »
Le jeune adolescent d’une quinzaine d’années à l’époque pense même à partir faire le djihad, en Irak ou en Syrie. « On commence à se demander s’ils n’ont pas raison et si ce n’est pas la belle vie, se rappelle t-il au tribunal. Cette zone de guerre sans dettes, sans ennuis, une sorte de liberté finalement. Je suis tombé sous le charme des personnes qui racontaient ces conneries. » Quelques temps après, ses liens avec la mouvance islamiste se font d’ailleurs plus concrets. Approché sur les réseaux sociaux par un quadragénaire qui se présente comme l’un des garants de Daech en France, il va rencontrer l’homme. Dans la vraie vie cette fois-ci.
Une première peine de prison en tant que mineur
« Il m’a fait peur. Il se disait fugitif et recherché par les forces de l’ordre, et son attitude était étrange. Il évoquait des projets d’attentat et voulait se servir de moi pour être en contact avec des détenus de Fleury-Mérogis : « Ces gens sont coupés du monde et emmagasinent de la haine. Un jour, ils vont sortir, et cette haine voudra ressortir » m’avait-il expliqué. » Selon le prévenu, c’est suite à cette rencontre que démarrera sa déradicalisation. Il explique ainsi avoir coupé le contact à ce moment-là. Ce qui lui aurait valu des menaces de mort et d’apostat. Il sera par la suite emprisonné en tant que mineur, une peine de deux mois qui le fera « beaucoup réfléchir ».
Issu d’une famille kurde, le jeune homme prend également conscience que les vidéos qu’il a tant consommé montraient la plupart du temps les souffrances de son propre peuple. «J’ai eu le tort de soutenir l’idéologie des ennemis de mon peuple. Cette peine, je me la suis infligée moi-même et je le regrette profondément », a-t-il indiqué.
Deux ans de prison dont un avec sursis
Reste que malgré ces explications et ses affirmations selon lesquelles sa radicalité n’est plus d’actualité, de nombreux fichiers ont été retrouvés sur son téléphone en février de cette année, lors de sa perquisition, comme l’a rappelé la procureure de la République. « Je ne crois pas à une forme d’égarement, a-t-elle expliqué lors de ses réquisitions. Alors qu’il est en récidive suite à une condamnation par le juge pour enfants, il semble que le message judiciaire ne soit pas passé : interdit de sortir du territoire, cela ne l’a pas empêché de se rendre cinq fois en Suisse pour y voir sa petite amie. » L’homme a finalement été condamné à deux ans de prison, dont un an avec sursis et mise à l’épreuve. La peine s’accompagne d’un mandat de dépôt.