Vue inhabituelle ce mercredi 12 décembre, une rangée de tracteurs agricoles étaient garés devant la préfecture de l’Essonne. Arrivés vers 8h30, ils faisaient partie d’un convoi d’agriculteurs du département venus exprimer leur ras-le-bol.
A 6h30, au départ de la ferme de Beauvais à Morigny-Champigny, Damien Greffin, président du syndicat FRSEA rappelle les raisons de cette mobilisation : « Le 17 décembre, l’Assemblée nationale va examiner une ordonnance dans la continuité de la loi EGalim ».
Marre de l’écologie punitive
Pour les agriculteurs, les mesures qui pourraient être prises relèvent une fois de plus de l’écologie punitive. On retrouve ainsi l’augmentation programmée de la taxation sur les produits phytosanitaires à travers la hausse de la redevance pour pollution diffuse (RPD° de 5 à 25 euros par hectare, mais aussi la séparation capitalistique de la vente et du conseil à laquelle s’ajoute la suppression des « 3 R » (rabais, remises, ristournes) qui entraîneraient une augmentation considérable des charges.
« Aujourd’hui la RPD rapporte 100 millions d’euros à l’Etat, elle pourrait leur rapporter de 100 à 150 millions de plus. Mais l’impact pour nous sera énorme, de 30 euros par hectare pour le blé jusqu’à 25 à 50 euros pour les betteraves », explique-t-il. De même, la séparation de l’activité de vente et de conseil entraîneraient un surcoût pour les exploitants. « Nous allons être obligé de trouver d’autres prestataires pour le conseil, ce qui va nous amener des charges supplémentaires », ajoute Damien Greffin.
Boris Come, responsable de la société de négoce Comagrain, est venu également soutenir les agriculteurs. Cette séparation des activités de vente et de conseil menace son activité. « Les agriculteurs nous achètent des produits parce que nous leur fournissons du conseil, les deux sont indissociables », confie-t-il.
Présent également sur la manifestation, le député de la 2e circonscription de l’Essonne Franck Marlin a apporté tout son soutien à la profession. « Aujourd’hui vous êtes venus dénoncer l’acharnement dont votre profession est la cible par des décisions arbitraires qui vont impacter gravement leur activité. L’exécutif ne voit pas d’autres solutions que le recours aux taxes, aux contraintes supplémentaires et à l’humiliation systématique de la profession », s’est-il agacé. Durant la matinée, Guy Crosnier, président délégué à la ruralité du Conseil départemental de l’Essonne est également venu soutenir les agriculteurs.
Le préfet de l’Essonne a reçu une délégation pendant près de deux heures afin d’évoquer ce sujet et bien d’autres qui concernent aujourd’hui la profession. L’écoute et le dialogue constructif engagé avec le représentant de l’Etat a été salué par tous à la sortie de cet entretien.
Mettre la pression sur les parlementaires
Cela n’a pas fait pour autant retomber la colère vis-à-vis de l’exécutif. « Il y a un mépris et une vision autocratique au sommet de l’Etat alors que nos exploitations sont réellement en péril. 70% des céréaliers n’ont pas de revenus depuis 5 ans. Et quand on annonce que ces nouvelles mesures pourraient mettre entre 6 et 8000 exploitations au tapis, on nous répond au ministère que c’est le prix à payer », témoigne Damien Greffin.
Concrètement, c’est au parlement que tout va se jouer sur ces sujets dans les prochaines semaines. Ces dernières semaines, les agriculteurs ont essayé de sensibiliser les parlementaires à leur situation et à leurs problèmes. « Sur les 82 parlementaires que nous avons invité à venir nous rencontrer lundi, 7 se sont excusés et 4 seulement sont venus », constate avec dépit Damien Greffin. Et, ce mercredi, un seul est venu les soutenir, le député Franck Marlin.
Les agriculteurs ne sont donc pas dupes et ne peuvent que prévoir une issue contraire à leurs intérêts. Mais ils ne s’avouent pas vaincus pour autant. « Nous allons observer à la loupe qui va voter cette loi. On nous dit qu’on nous comprend, on nous dit qu’on nous soutient, mais il faut aller jusqu’au bout », lance Damien Greffin. « Les masques vont tomber au parlement », conclut Franck Marlin.