Anciens pros devenus entraîneurs, ils racontent un moment marquant de leur carrière de joueurs. Cette semaine, Mathieu Bonello, le co-entraîneur de l’équipe fanion du Rugby club Massy-Essonne, revient sur la finale 2013 du Top 14 et la victoire avec Castres contre le grand Toulon, qui venait d’être sacré champion d’Europe.
Après trois échecs consécutifs en phases finales du Top 14, Mathieu Bonello, l’actuel entraîneur du Rugby Club Massy-Essonne, parvient, en 2013, à remporter le titre de champion de France sous les couleurs du Castres Olympique. Une finale qu’il a faillie ne pas disputer à cause d’une blessure au doigt.
Quand le Castres Olympique remporte la finale du championnat de France le 5 juin 1993 au Parc des Princes aux dépens de Grenoble (14-11), mettant fin à quarante-trois ans de disette, Mathieu Bonello n’est encore qu’un petit garçon de 11 ans qui préfère le ballon rond au ballon ovale. « J’ai toujours baigné dans le rugby (ndlr : son père a fondé le club de Brens) mais je ne voulais pas aller au rugby pour ne pas jouer sur un demi-terrain, et en plus tous mes copains jouaient au foot », confie l’entraîneur du RC Massy-Essonne, qui ne débuta le rugby qu’en cadet à Gaillac, sa ville natale. « Dans le Tarn, le rugby est une religion. Si tu n’y joues pas, c’est limite si on ne te parle pas (sourire) ! »
Les Galactiques de Toulon
Supporter du CO comme toute sa famille, le petit Bonello a des étoiles pleins les yeux devant sa télé quand Francis Rui, le capitaine de l’époque, soulève le Bouclier de Brennus. Il ne se doutait pas que vingt ans plus tard, au Stade de France, il toucherait à son tour le fameux « bout de bois ». C’était le 1er juin 2013 après une finale indécise contre le champion d’Europe Toulon (19-14) où évoluait les Wilkinson, Giteau, Fernandes Lobbe, Botha, Michalak et autres Bastareaud. « On les appelait les Galactiques (ndlr : en référence à la grande équipe du Real Madrid des années 2000), se souvient l’ancien talonneur. A Castres, on avait de très bon joueurs mais pas aussi talentueux. Personne ne misait un seul centime sur nous avant la demi-finale à Nantes contre Clermont, qui avait terminé largement en tête de la phase régulière. Mais on a déjoué les pronostics (25-9) et décroché notre place en finale. » Une première pour Castres depuis 1995 et la finale perdue contre Toulouse (16-31). Un rendez-vous avec l’histoire du rugby français et du Castres Olympique en particulier que Mathieu Bonello a bien failli manquer. « Avant les phases finales, je prends un KO contre le Racing, je crois. J’ai du mal à enchaîner. Je suis remplaçant en demi-finale, je rentre à une demi-heure de la fin mais je me luxe le doigt sur un plaquage. Je ne pouvais plus lancer. Je finis le match tant bien que mal », raconte le Tarnais.
Nuit blanche à l’hôtel
Après avoir passé des examens, la sentence tombe : les tissus sont déchirés, l’opération est inéluctable. « Mais si on m’opère, je ne joue pas la finale. C’était impensable pour moi. Tu as la cerise sur le gâteau mais tu ne peux pas la manger », métaphorise Mathieu Bonello. Transparent avec ses entraîneurs, Laurent Labit et Laurent Travers, il doit passer un test la veille de la finale pour voir s’il est capable de la jouer. Réticent, il réussit son « test d’aptitude » avec le préparateur physique mais lors de la mise en place, il se luxe à nouveau le doigt. « Quand je suis rentré à l’hôtel, la douleur était très forte, la main était gonflée mais je ne dis rien au docteur. J’appelle trois coéquipiers (ndlr : Forestier, Bonnefond, Teulet) qui m’aident à remettre l’attelle mais c’est très compliqué, se souvient Bonello. Je passe une nuit blanche. A 5h du matin, je commence à m’endormir, je sais que j’ai fait le plus dur, maintenant il faut tenir jusqu’au soir. »
A deux minutes de la sirène, le talonneur du CO remplace Brice Mach. « Malgré l’anesthésie locale, le doigt était tellement meurtri que j’étais gêné pour toutes mes actions », reconnaît Mathieu Bonello qui oublie quelques instants la douleur à la fin du match. « Je sautais partout. Un rêve d’enfant se réalisait. Un rêve difficile à aller chercher mais une très grande fierté. ». Le natif de Gaillac a ensuite emmené le Bouclier de Brennus aux quatre coins du Tarn. « J’ai mal vécu l’avant-finale mais je me suis rattrapé après. Ça a été très festif », rigole le coach massicois. Quinze jours plus tard, il se faisait opérer du doigt sans pour autant retrouver toutes ses sensations, traînant cette blessure jusqu’à la fin de sa carrière. Peu importe, il aura remporté le Bouclier de Brennus.
Aymeric Fourel
Mathieu Bonello vu par Laurent Travers et Romain Teulet
« On l’avait surnommé Mathieu Brennus »
A l’époque, ils étaient respectivement co-entraîneur et arrière-buteur du Castres Olympique, Laurent Travers et Romain Teulet se souviennent de la blessure qui a failli empêcher Mathieu Bonello de jouer la finale 2013 du Top 14, « l’apothéose d’une aventure de quatre ans », dixit l’actuel manager du Racing 92. « Avec Yannick (Forestier) et Paul (Bonnefond), on a été à ses petits soins, notamment la nuit précédant la finale. Avec deux touillettes en bois, on a fait une attelle qu’on a ensuite strappée. Mathieu souffrait beaucoup mais il a tenu. C’est un dur au mal, raconte Romain Teulet. Cela aurait été tellement injuste qu’il ne vive pas ces moments-là car c’est un garçon généreux, humble, travailleur. » Même son de cloche du côté de Laurent Travers : « C’était important que Mathieu participe à la fête par rapport à tout ce qu’il avait apporté au CO mais on ne voulait prendre aucun risque. Mathieu voulait absolument la jouer et a tout fait pour pouvoir la jouer, même diminué. Quand il s’est luxé le doigt, on lui a fait prendre conscience de la dangerosité de sa blessure pour lui comme pour l’équipe. Pendant et après les tests effectués l’avant-veille et la veille, il a plus que serré les dents mais il a pu entrer à la fin du match. » A l’issue de la saison, Laurent Travers et son acolyte, Laurent Labit, rejoignent le Racing et proposent à Mathieu Bonello de les accompagner mais ce dernier préfère rester dans son Tarn natal. Une région qu’il chérit par-dessus tout. « Après la finale, il a été incroyable. Il s’est comporté comme un vrai champion. Il a trimbalé le Bouclier de Brennus partout. On l’avait surnommé Monsieur Brennus », se souvient Romain Teulet, aujourd’hui directeur sportif de l’US Bergerac (Fédérale 2) mais également consultant du jeu au pied de Castres.
A.F.