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    Handball/Rugby : Les rescapés de la Covid-19

    Touchés par l’épidémie de coronavirus respectivement en janvier et en septembre derniers, le rugbyman du RCME Mathieu Guillomot et le handballeur du MEHB Genèse Bouity reviennent sur cette période difficile.

    C’est ici que tout a commencé, mi-février. Petite commune de Lombardie, dans le nord de l’Italie, Codogno a été l’épicentre de la première phase de la pandémie de coronavirus dans la péninsule. La ville du fameux « patient numéro un », celui d’où est parti la vague de contamination. « J’habitais à 5 km de là, à Plaissance, en Emilie-Romagne », lance Mathieu Guillomot (27 ans), le trois quart centre polyvalent du RC Massy-Essonne. Il évoluait alors sous les couleurs des Rugby Lyons Piacenza (Top 12). Comme plusieurs de ses coéquipiers de l’époque, il a été touché par la Covid-19 sans le savoir. Du moins pas tout de suite.

    « Les poumons me brûlaient »
    « Les premiers symptômes sont apparus mi-janvier. Comme beaucoup de monde, j’ai crû que c’était une grosse grippe. Après trois jours de fièvre et de maux de tête, j’ai commencé à tousser. Ça a duré quatre-cinq jours. C’était le plus dur car la toux était tellement forte que les poumons me brûlaient, raconte l’ancien joueur de Carcassonne (2015-2017, Pro D2), également passé par les centres de formation de Clermont et de Castres. La semaine d’après, j’ai perdu le goût et l’odorat mais contrairement à un pilier de l’équipe, je n’ai pas été hospitalisé. » Au repos forcé avant l’entrée en vigueur du confinement italien – une période délicate à gérer –, il n’a pu reprendre l’entraînement qu’en mai. Sans contact et sans ballon en raison d’un protocole strict.
    « C’était uniquement de la course à pied et de la musculation mais je me sentais vite fatigué, confie Mathieu Guillomot. Il est vrai que c’est la première fois que je m’arrêtais autant de temps. Même après ma fracture du péroné ou ma rupture des ligaments croisés, j’avais pu reprendre le sport au bout d’un mois et demi. »

    Revenu cet été à Massy, son club formateur, il a retrouvé la pleine possession de ses moyens. « Le médecin du club m’a fait passer un scanner et un IRM des poumons. Je n’avais aucune séquelle mais j’avais encore des anticorps.  Ils étaient encore présents en octobre. » C’est ce qui lui a sans doute évité d’être à nouveau contaminé au moment où l’effectif professionnel du RCME a été durement touché. Près des deux tiers de l’équipe ont en effet été testés positifs entre mi-octobre et début novembre. Les matchs à Bourgoin (le 17 octobre) et contre Bourg-en-Bresse (le 24) ont été reportés avant que le championnat de Nationale ne soit interrompu en raison du reconfinement. Depuis, Mathieu Guillomot, comme tous ses partenaires, attend de retrouver la compétition.

    « Je me suis dit : « ça y est c’est mon heure » »
    « J’ai vu ma vie défiler. » Genèse Bouity, l’arrière droit du Massy-Essonne Handball (Proligue) revient de loin. De très loin. Le 15 septembre dernier, Massy dispute son deuxième match de préparation contre Tremblay (Starligue). Un match auquel prend part Genèse Bouity. Le Massicois prend un coup au visage. Suivent des violents maux de tête ainsi que de la fièvre. « Au début, je me dis que c’était à cause du coup et que ça irait mieux ensuite. Mais après avoir mangé et m’être douché, les douleurs étaient toujours là. La nuit après le match, je vomis. J’ai des sueurs froides. C’est là que le calvaire commence », détaille le joueur de 20 ans. Les jours passent mais pas la douleur. Pire. Des nouveaux symptômes s’ajoutent à ceux déjà présents. « J’ai été cloué au lit pendant trois semaines. Le simple fait de me lever engendrait des vertiges. »

    Après avoir consulté le personnel médical, Genèse Bouity est admis en réanimation à l’hôpital d’Antony (Hauts-de-Seine) après avoir contracté une infection pulmonaire. « Au départ, je me dis que j’allais rester une petite heure et repartir chez moi mais en fait pas du tout », se rappelle-t-il avant de raconter son enfer : « Je passe un scanner des poumons et le docteur me dit que je vais rester un petit moment à l’hôpital. C’est un premier gros choc pour moi. » Un simple contrôle, qui devient vite le début d’une atroce souffrance. Genèse Bouity apprend que ses poumons étaient intégralement blancs. « Le docteur me demande si je fume des substances illicites car vu l’état de mes poumons, c’est comme si je fumais de la drogue deux fois par jour. Même si mon hygiène de vie n’est pas forcément la meilleure, je n’ai jamais touché à la drogue. »

    Des poumons intégralement blancs
    Hospitalisé pendant quatre jours, le joueur du MEHB est plongé dans le noir, dans sa chambre, en constante réflexion sur ce que le destin lui a réservé. « Je me suis dit : « ça y est, c’est mon heure ». J’avais lu des articles sur des gens de mon âge qui mouraient de cette maladie. Il n’y a pas de vaccin. Comment je vais m’en sortir ?, s’interroge-t-il avant de décrire l’affreuse ambiance des hôpitaux durant cette période. « J’entendais des gens dans le service qui toussaient très fort. Des gens qui voulaient qu’on les débranche car ils en avaient marre. C’était vraiment l’enfer. Même si j’ai un gros mental, ces quatre jours ont été vraiment durs. Je me suis vu mourir ! Je tiens vraiment à remercier le personnel soignant qui m’a envoyé de la force pour ne pas sombrer. »

    Après avoir perdu presque dix kilos et manquer plus de trois semaines de préparation, Genèse Bouity revient petit à petit sur la scène handballistique malgré une charge de travail supplémentaire. « Je double voire triple mes séances pour pouvoir rattraper mon retard tout en étant prudent pour ne pas me blesser. Pour l’instant, je ne suis pas à 100 % de mes capacités. » Aujourd’hui « sorti d’affaire », Genèse Bouity reste sur ses gardes.
    « Je fais énormément attention. Je fais mes courses en drive. Je ne vais même plus chercher mon essence. Je vois beaucoup moins mon entourage. Je pense que certains n’ont pas conscience de ce virus. S’ils ne veulent pas penser à eux, qu’ils pensent à leurs proches », lance Genèse Bouity qui, depuis, « vit l’instant présent à 100% » et espère disputer le championnat du monde en janvier prochain avec la République Démocratique du Congo.

    Aymeric Fourel et Jérémy Andrieux

    Jérémy Andrieux
    Jérémy Andrieux
    Journaliste sportif pour le Républicain de l'Essonne.