Plusieurs clubs essonniens comme le CO Les Ulis, l’ESA Linas/Montlhéry ou encore le CS Brétigny réussissent régulièrement à toucher des compensations financières sur les premiers contrats pros ou sur les transferts internationaux de joueurs formés au club.
Quel est le point commun entre Anthony Martial (Manchester United), Tanguy Ndombélé (Tottenham) et Sébastien Haller (Ajax Amsterdam) ? Ces trois joueurs, originaires de l’Essonne, ont tous défrayé la chronique en signant dans des clubs européens contre des sommes astronomiques. Transférés respectivement pour 80, 60 et 50 puis 22,5 millions d’euros, les trois footballeurs ont ainsi pu progresser dans leur carrière respective, empochant au passage un pécule non négligeable. Mais saviez-vous que les transferts mirobolants que l’on peut régulièrement constater sur le mercato profitent aussi… aux clubs formateurs ? Pour le découvrir, intéressons-nous au trio Martial-Ndombélé-Haller, passé par le moule de la formation essonnienne.
Le premier gros transfert pour un joueur formé dans le département a été celui d’Anthony Martial à l’été 2015. A l’époque, le jeune attaquant de l’AS Monaco (Ligue 1) rejoint Manchester United (Premier League) pour 80 millions d’euros (dont 30 millions de bonus). « Quand on a su ça, on était très content. Un gamin des Ulis qui signe à Manchester United, c’est une grande fierté, se souvient Mahamadou Niakaté, l’entraîneur ulissien. On était très content pour sa famille et pour lui car c’est un bosseur. » Si la réussite de l’ancien pensionnaire du CO Les Ulis, de 12 à 14 ans (soit deux saisons), provoque un plaisir sincère, elle a aussi bien aidé le club financièrement. Les Ulis a en effet perçu
250 000 euros sur cette transaction grâce au mécanisme de solidarité envers les clubs formateurs. Ajouté aux 50 000 euros supplémentaires obtenus lorsque Anthony Martial a dépassé la barre des 25 buts avec les Red Devils, le bénéfice de formation se monte donc à 300 000 euros. Un montant bien plus élevé que les 39 000 euros touchés en 2006 par le même club lors du transfert du défenseur Patrice Evra de Monaco à… Manchester United pour 7 millions d’euros.
A quelques kilomètres des Ulis, le CS Brétigny fait également partie des bénéficiaires de la mesure. Sébastien Haller, qui a fait le bonheur du club dans les équipes de jeunes (ndlr : des benjamins aux U13) vient de s’engager avec l’Ajax Amsterdam (D1 Pays-Bas) pour une indemnité de transfert de 22,5 millions d’euros. Ayant évolué à Brétigny entre 12 et 13 ans, le club essonnien empocherait donc 90 000 euros. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que l’international ivoirien de 26 ans permet à Brétigny d’empocher le « pactole ». Lors de son transfert de l’Eintracht Francfort (Bundesliga) à West Ham (Premier League) à l’été 2019 pour 50 millions d’euros, le CSB aurait en effet touché 200 000 euros via ce même mécanisme de solidarité. Ce qui veut dire qu’en deux ans, Brétigny a sécurisé une enveloppe de 290 000 euros. Mais ce n’est pas la seule poule aux œufs d’or pour le club essonnien. En 2014 lorsque Mehdi Benatia (de 10 à 12 ans à Brétigny) fait le chemin de la Roma au Bayern Munich pour 28 millions d’euros, Brétigny aurait touché 70 000 euros. Avec près de 52,7 millions d’euros d’indemnités de transferts éligibles à ce calcul durant la carrière de l’international marocain, le CSB aurait touché une somme avoisinant les 132 000 euros. Même constat pour Jérémy Menez qui est passé par Brétigny l’année de ses 16 ans. Avec 13,8 millions d’indemnités de transferts éligibles, l’ex-attaquant du PSG et de la Roma aurait rapporté environ 69 000 euros. Une politique de formation, qui paie pour Brétigny mais le club reste très discret quant aux indemnités qu’il perçoit.
Des indemnités versées en plusieurs fois
Mais pourquoi les clubs formateurs perçoivent-ils ces compensations financières ? C’est grâce au mécanisme de “solidarité envers les clubs formateurs” instauré par la FIFA en 2001. Celui-ci s’applique quand un joueur pro, sans limite d’âge, est transféré d’un pays à un autre. Un peu de calcul s’impose, mais la règle est simple. Les clubs impliqués dans la formation touchent 0,25 % du montant du transfert par année de formation entre 12 et 15 ans, et 0,5 % de 16 à 23 ans. Sortons nos calculettes et prenons comme référence Tanguy Ndombélé, qui, à l’été 2019, a fait le chemin de Lyon (Ligue 1) à Tottenham (Premier League) pour 60 millions d’euros. Passé par les catégories de jeunes de l’ESA Linas/Montlhéry entre 12 et 14 ans, le milieu de terrain de 24 ans a été une source de revenus non négligeable pour les dirigeants du club sang et or. Dans cette tranche d’âge, l’ESALM a touché 0,25 % du montant du transfert soit 150 000 euros par année restée au club soit une enveloppe totale de 300 000 euros.
Comme nous venons de le voir, ces transferts représentent une manne financière non négligeable pour des clubs naviguant dans des catégories amateurs (à titre d’exemple, le budget annuel du club de Linas/Montlhéry est traditionnellement estimé à 250 000 euros). Mais pour obtenir leur dû, ces petits clubs ne doivent pas laisser traîner les formalités administratives. A compter de la signature du contrat, les clubs pros ont en effet trente jours pour rétribuer les clubs formateurs qui ont de leur côté dix-huit mois pour demander leur indemnisation. Passé ce délai, si les clubs amateurs ne se sont pas manifestés, c’est malheureusement trop tard. Cependant, la Fédération Française de Football veille au grain et, dès le contrat signé, envoie un mail aux clubs pouvant prétendre à ces indemnités. Le club amateur prend alors contact avec le club professionnel et le processus s’enclenche pour verser les indemnités. Mais attention, le versement s’effectue en plusieurs fois. Par exemple, les 300 000 euros du transfert de Ndombélé s’étalent sur cinq ans. « On a reçu 55 000 en 2019 et en 2020. En 2021, nous aurons le même montant. Ensuite, nous toucherons 65 000 euros en 2022 puis 70 000 euros en 2023 », explique Michaël Bertansetti, le président de l’ESA Linas/Montlhéry. Ce délai de paiement varie entre les clubs. Par comparaison, les 250 000 euros d’indemnités de transfert d’Anthony Martial ont été versés aux Ulis sur deux ans.
Pas question de flamber
Outre cette loi, d’autres moyens existent pour récompenser les clubs formateurs. D’après les règlements de la FIFA datant de 2001, il existe par exemple l’indemnité de préformation. Celle-ci est destinée aux clubs dont les joueurs ont effectué quatre saisons précédant leur départ pour un club pro (avec statut d’aspirant ou de stagiaire). Il y a également l’indemnité de formation. Elle s’applique lorsqu’un joueur devient pro à l’étranger ou est transféré à l’étranger avant ses 23 ans (les clubs concernés sont rétribués par année de formation selon la catégorie du club formateur). Là encore, il y a de quoi empocher un petit pécule. « En moyenne, cela représente 8 000 euros par joueur. Il y a une grille qui varie en fonction de la division du club où signe le joueur. Pour nous, ce système représente environ 65 000 euros car nous avons eu une dizaine de joueurs qui sont ensuite passés pros », développe ainsi Mahamadou Niakaté, le technicien ulissien. Avec plus de quatre-vingt-dix joueurs détectés et formés au club devenus professionnels, on peut imaginer que le CS Brétigny a également perçu de nombreuses transactions grâce à ce système.
Une question se pose alors : mais que font les clubs de tout cet argent ? Hors de question de flamber ou d’attirer des joueurs de renom. Chaque euro est investi de manière censée, pour la vie de l’association. « Cet argent nous a permis d’acheter du matériel pour l’école de foot. On a aussi investi dans une sono pour le stade, dans des bâches publicitaires ainsi que du mobilier pour le club house. Nous avons dépensé dans de l’utile », précise Michaël Bertansetti, le dirigeant « lino/montlhérien ». Même son de cloche du côté des Ulis et de Mahamadou Niakaté. « Nous avons acheté des équipements et quatre minibus pour pouvoir transporter les jeunes du club lors des matchs à l’extérieur. »
Jérémy Andrieux