Lundi 27 septembre, l’assemblée départementale de l’Essonne était investie par des jeunes de quartiers évryens, grignois et corbeil-essonnois. Une quinzaine d’entre eux s’est relayée au micro afin d’aborder les violences qui touchent les jeunes de leurs quartiers. Le concours d’éloquence était organisé par l’association Expressions de France.
« C’est partout la même chose. On a le même hall, on a les mêmes problèmes, les mêmes origines. On parle la même langue, similaires dans nos mimiques. Que des points communes à part nos adresses, on ne s’est jamais parlé mais pour un regard on s’agresse. » Pour faire passer son message, Sydney, 19 ans, originaire des Pyramides à Evry, a décidé de rapper (voir la vidéo plus bas). Sydy, comme on le surnomme, est spectateur de la violence qui gangrène les quartiers. « J’ai des amis qui ont été dedans, moi j’ai toujours fui tout ça. Ils n’ont pas de raison valable, ils suivent juste les gens. » Rapper était un pari audacieux, quand on sait que la scène se déroule à l’Assemblée départementale.
Lundi 27 septembre, Sydney n’était pas le seul jeune à s’exprimer à l’Assemblée. Ils était au total une quinzaine, des quartiers évryens, grignois et corbeil-essonnois à participer au concours d’art oratoire organisé par l’association Expressions de France. La compétition, financée à hauteur de 9000 euros par le Conseil départemental essonnien, s’inscrivait dans la volonté du Département « d’enrayer les phénomènes de violence entre bandes de jeunes sur son territoire (…), promouvoir le vivre-ensemble et encourager le dialogue entre les jeunes de différents quartiers« . Pour en être, l’association Expression de France a répondu à un appel à projets.
Des jeunes porte-paroles de leur cité
Les participants ne sont pas arrivés dans l’hémicycle par hasard. Tous sont issus d’associations, à l’instar de CAP 91, Génération II et Studio Bunker (Evry-Courcouronnes), la maison de quartier des Tarterêts, les associations la Plume et Team Zodiak (Corbeil-Essonnes) et enfin US Section foot (Grigny). C’est Laurene Hanna, élue en charge de la vie étudiante pour la ville préfecture, qui a parcouru chacune de ces associations cet été afin de sélectionner les volontaires. « Lors des ateliers d’éloquence, d’écriture, de civisme et d’art oratoire (…), ces associations ont travaillé avec des jeunes âgés de 16 à 20 ans pour déconstruire les haines entre quartiers, comprendre l’histoire des rixes, en débattre et trouver des solutions afin de prévenir ces affrontements et de ne pas les banaliser« , déclare le Département. « Il a fallu les rebooster au maximum pour qu’ils comprennent que leur voix est importante, explique Laurene. Ils pensaient ne pas être écoutés. Alors je leur ai conseillé de s’imaginer en porte-parole de leur cité, et ils se sont transformés. »
Le délégué régional aux quartiers populaires dans le jury
Le jury était composé d’Alexandre Touzet, vice-président du Conseil départemental, de Chrystelle Tommasi, sa collègue en charge des projets transversaux, Aïssata Cissé, présidente de l’association Génération II, Farès Benmessahel et Rudy Albina de l’association Expressions de France et enfin Jean-Marc Mormeck, délégué régional aux quartiers populaires. Tellement touché par les mots des jeunes, le jury a pris l’initiative de créer le prix coup de cœur, décerné à Lassana. La troisième place du podium était attribuée à Manon, la seconde à Sandy et la première à Sihem. « Merci de nous avoir donné la parole, on n’a pas souvent la chance de s’exprimer sur les maux de nos quartiers et sur notre quotidien qui est aussi positif« , s’est confié Manon au micro. Des chèques de 500, 300 et 200 € ont été remis aux gagnantes. Le restant était consolé avec des chèques cadeaux de 50 €.
« Et si c’était à refaire ? » était le thème choisi pour cette finale. Dialogue avec les anciens, diffusion d’une image positive des quartiers dans les médias, questionnement sur leurs actes ou encore sur le rôle de la police… Telles sont les idées amenées par les jeunes pour tenter de résoudre les conflits. Tous se sont mis d’accord sur une chose : face à la violence des quartiers, chacun aurait fait autrement. « La cité et ses drames, parfois on ne s’en remet pas. Me voila balafré à jamais, la blessure est interne. Et à tout moment, elle saigne. Si c’était à refaire, assurément j’ferais autrement« , chantait Kery James.