Essonne : Fleurydays, un festival musical dans la plus grande prison d’Europe

De la pop à la musique classique en passant par le rap, le hip hop et le jazz. Du 25 août au 2 septembre, les détenus de la Maison d’arrêt de Fleury-Mérogis ont pu profiter des concerts que proposait le Fleurydays. Le premier festival musical organisé dans la plus grande prison d’Europe. Une parenthèse aux vertus salvatrice. 

Sourires aux lèvres et yeux qui pétillent. La trentaine de femmes qui assiste au concert  est attentive. Masquée, assise sur des chaises en plastique sur le terrain de promenade, elle se laisse porter par cette douce mélodie qui est aussi diffusée grâce à des enceintes. Mercredi 2 septembre, le Fleurydays proposait son dernier concert, celui de l’orchestre Ostinato. Aux fenêtres des cellules, on discerne encore quelques spectatrices qui suivent la représentation grâce aux quatre enceintes de 1 000 W disposées aux extrémités de l’orchestre.

Fleurydays est le premier festival de musique organisé dans le milieu carcéral floriacumois. « Nous avons l’habitude d’organiser des ateliers culturels, qu’ils soient en lien avec la musique, la danse, le chant, le cinéma ou les arts plastiques. C’est très apprécié, on a toujours beaucoup de demandes des détenus« , explique Anne-Claire Latour, chargée de la coordination culturelle. Malheureusement, avec la crise sanitaire, ces ateliers n’ont pu avoir lieu. Alors pour redonner du baume au cœur des prisonniers, le pôle culture du SPIP 91 (Service pénitentiaire d’insertion et de probation) a eu l’idée de monter ce festival de musique. Des concerts « en plein air afin de toucher un maximum de personnes détenues dans le respect des contraintes sanitaires, explique la Maison d’arrêt. Au delà des personnes présentes sur les terrain de sport en plein air où ces concerts sont organisés, 600 personnes pourront bénéficier du spectacle depuis leur cellule. »

#EnMusiquePourPlusD’Humanité

Ainsi, chaque journée du 25 août au 2 septembre était rythmée par un concert. Les détenus ont pu danser au rythme de sonorités pop, électro, jazz et rap. Les femmes, elles, ont eu la chance de s’ambiancer grâce à un spectacle de jonglage, d’acrobaties et le concert de l’orchestre Ostinato. Un orchestre qui fait office de tremplin professionnel pour les personnes souhaitant se former au métier de musicien d’orchestre, et qui a aussi une portée sociale, avec pour devise « en musique pour plus d’humanité » (voir le post Twitter ci-dessous). Les 13 musiciens étaient d’ailleurs accompagnés de Morgane Billet, cantatrice qui anime chaque année des ateliers de chant dans cette prison, où les participantes prennent un réel plaisir. Comme Carol-Anne, détenue à la Maison d’arrêt pour femmes, qui y a participé l’année dernière. « C’était super. J’y allais à reculons au début car ce n’est pas le genre de musique que j’écoute, mais Morgane a le don de nous faire aimer. Ce festival est une très bonne idée, c’est à refaire à coup sûr. » Idem chez les hommes : « Ils criaient tous et d’un coup, ils se sont arrêtés, le charme de la musique a opéré et les a calmé« , a rapporté Emmanuelle Duthu, à la tête de l’orchestre.

« Ce n’est pas parce qu’ils sont détenus qu’on doit oublier leur sensibilité, leur douceur »

Les sommes engagées pour ce projet ont donc été à la hauteur du résultat. Pour le festival dans son ensemble, il fallait compter 20 000 euros. Un budget pris en charge en partie par la Direction régionales des affaires culturelles d’Ile-de-France. A noter que des mécénats ont également participé, comme l’association En chœur, qui a permis la tenue du concert de l’orchestre ce dernier jour. Son président, Grégoire Etrillard, a souligné à quel point ces apports culturels étaient significatifs. « Je sais bien que venir faire un concert et repartir ce n’est pas assez, mais c’est mieux que rien. Je vous propose de partager un moment de douceur, il n’y en a pas beaucoup en prison. » Celui qui est aussi avocat pénaliste souhaiterait que les prisons soient plus ouvertes au monde extérieur : « Ce n’est pas parce qu’ils sont détenus qu’on doit oublier leur sensibilité, leur douceur (…) Ils restent des gens normaux, il n’y a pas de raison qu’on ne leur rende pas visite« .

Une fois les 45 minutes de concert achevées, la cour a regagné son calme. Elle s’est vidée de ses chaises, chapiteaux et enceintes. Les détenues ont regagné leur cellule. Leur prochain passage dans cette cour sera pour leur quatre heures de promenade autorisée, sans musique cette fois.