Jérémy Bredin, éminent correspondant de notre journal et spécialiste en matière de musique rock, est parti à la rencontre de l’un des groupes phare du Download Festival…
Après leur concert sur la scène Spitfire du Download Festival, ce samedi 10 juin, AqME, alors en tournée pour les 15 ans de leur premier album, Sombres Efforts, a pris du temps pour une interview presque aussi chaleureuse que le public du Download. L’occasion de revenir sur cette tournée, sur l’évolution du groupe et sur le prochain album dont la date de sortie annoncée est le 22 septembre.
Le Républicain : Ce concert était incroyable, le public était survolté et vous avez eu plus de monde que la scène Warbird, pourtant plus grande. Je présume que vous êtes ravis ?
Etienne Sarthou (batteur) : Il y a des concerts qui sont déjà gagnés d’avance. Le public était à fond. Quand on a vu le public, on savait que c’était gagné.
Le Républicain : C’est votre plus belle date de la tournée ?
Etienne : Celle-là où le Trianon.
Julien Hekking (guitariste) : Ou peut être Marseille.
Etienne : Mais c’est l’une des meilleures, si ce n’est la meilleure.
Le Républicain : On a vu Vincent, le chanteur, commencer le concert directement dans le public. Ca prouve que sa réputation de prendre le public à bras le corps n’est pas usurpée.
Etienne : Ce qu’il kiffe le plus, c’est vraiment la scène. Il est hyper positif. Il ne lâche rien. Il est dans le partage, si le public n’est pas à fond, il ne va pas le lâcher. Mais là aujourd’hui, tout le monde était dedans.
Le Républicain : Cet esprit positif va-t-il se retrouver sur le futur album d’AqME ?
Etienne : On a toujours trois grands fondements pour AqME : mélancolie, sentiment et force. En revanche, cette mélancolie est là pour exprimer des choses positives.
Le Républicain : Etienne s’est occupé de la production de cet album, non ?
Julien : Sur le dernier album, il avait fait les prises de son. Là c’est les prises de son et le mixage.
Etienne : Mais pas le mastering.
Julien : Petit à petit, il produit d’avantage. On a beaucoup travaillé sur la guitare.
Etienne : En enregistrant, j’avais déjà en tête des idées pour le mixage. Mais ça reste un album très spontané. On a travaillé avec plein de gens super par le passé, mais là il y a une espèce de personnalité que j’avais envie de développer dans le son. Tout a été très simple.
Vincent Peignard-Mancini (chanteur) : On a travaillé les prises de manière très spontanée.
Etienne : 90% des choix qui ont été fait en enregistrant sont restés et n’ont pas été changés au mixe.
Vincent : A l’origine, on prévoyait de le sortir en avril, alors on l’a un peu enregistré dans l’urgence, ce qui donne ce côté spontané. On a choisit de tenter plein de trucs, il y a des moment avec beaucoup de voix.
Etienne : Vincent a vraiment donné le meilleur de lui.
Le Républicain : Cet album est le premier normal que sort AqME depuis quelque temps. En 2009, avec En l’honneur de Jupiter, Julien venait d’arriver à la guitare, après Epithète, Dominion, Epitaphe c’est l’album où il y a eu le changement de chanteur, où Thomas est parti à la sortie de l’album, ensuite Vincent a dû faire ses preuves avec Dévisager Dieu en 2014. Finalement c’est le premier album dans une période calme que vous faites depuis quelques temps ?
Etienne : C’est un album de stabilité.
Vincent : C’est un truc qu’on a fait vraiment ensemble. Comme un groupe qui est ensemble depuis maintenant 5 ans, un peu comme notre premier album. Notre premier essai avec ce nouveau line-up c’était Dévisager Dieu et là on a transformé l’essai.
Le Républicain : Votre dernier single, Tant d’Années, offre un retour à une voix plus claire, avec moins de scream. Est-ce une envie de revenir à quelque chose de moins violent dans la voix ?
Vincent : On n’a pas de message à passer par rapport à ça, c’est ça qu’on aime faire, c’est ça qu’on a envie de faire et on le fait. Clairement, on a décidé de ne pas faire dans la facilité, de sortir de notre zone de confort et de chercher les mélodies. Ca a donné cet album. Alors ouai, ça ressemble, peut être vachement plus à du AqME du début, parce que c’est beaucoup plus chanté.
Charlotte Poiget (bassiste) : Oui mais c’est ça, en plus, que tu sais faire le mieux !
Vincent : Et c’est plus facile de varier quand tu cries. Nous, on est des grands fans de Noir Désirs où quand ça part en couille, ça part en couille. Et ça a de l’intensité !
Etienne : Il y a un mot hyper important pour AqME c’est le sentiment. Et quant tu gueules tout le temps, tu exprimes une palette de sentiments un peu plus resserrée. En chantant, tu as une palette de sentiment hyper large, tu peux mettre autant d’intensité en chantant qu’en hurlant. Le scream fait parti de nous, on continuera à gueuler mais là on s’est vraiment donné aucune limite. On s’est demandé si le morceau qu’on a écrit c’est mieux quand Vincent gueule ou quand il chante et c’est vrai que sur cet album, on est arrivé à la conclusion qu’il arrivait à mettre une telle intensité quand il chante que c’était mieux en chantant. Il a plus de liberté pour passer de l’un à l’autre, sans calculer. Il y a de la vie et de l’authenticité.
Le Républicain : Est-ce que vous pouviez confier des choses sur ce prochain album ?
Etienne : Contrairement à ce qui se fait aujourd’hui, on a décidé de faire un long disque avec un vrai voyage.
Julien : Pour cet album, le groupe a décidé de ne pas faire de figures de styles. Par exemple quand sur le refrain, le chanteur crie comme si on avait appuyé sur une touche. On ne va pas du tout faire ça ! Le fait d’en arriver à hurler a une raison d’être, c’est justifié et logique.
Etienne : Dans Dévisager Dieu, soit ça chantait, soit ça hurlait, là c’est toute la zone entre les deux.
Le Républicain : Il y a donc un gros travail sur le chant, ainsi que sur la guitare. Mais la basse et la batterie ?
Etienne : Nous on s’en fout ! (rire) On est là depuis 15 ans, on a moins de choses nouvelles à apporter.
Charlotte : J’ai changé une fois de basse, d”une Ibanez à Gibson, c’était il y a 15 ans. Et là, j’ai eu un petit cadeau, une ESP, je vais peut être essayer.
Etienne : Je trouve que Rickenbacker c’est hyper bon !
Julien : Oui, mais le son c’est très médium, c’est tout le truc que tu ne veux pas avoir (rire).
Etienne : On est spécialiste sur le basse-batterie.
Julien : Il y a quand même un travail sur le son pour que le son soit cohérent. La magie du son et le fait que tout marche c’est que chaque élément ait un impact.
Le Républicain : L’influence Korn est toujours là ?
Etienne : Ca compte toujours aujourd’hui
Julien : C’est un groupe qui a une culture du son qui nous touche.
Etienne : Une culture du son, du riff et du groove. Un groove que tu retrouves dans quasiment tous les groupes aujourd’hui. Meshuggah, Gojira, tous ces groupes là ont des grooves à la Korn. Et nous, on ne va pas certainement pas nier cette influence-là. Et dans le prochain disque, il y aura des grooves dans ce genre-là. Deftones et Korn sont vraiment des noms qu’on a encore évoqués sur ce nouvel album.
Le Républicain : Est-ce que vous allez aborder de nouvelles thématiques pour cet album ?
Vincent : Ca reste du AqME. Mais on a tenté des choses qu’on n’a pas l’habitude de faire. Ca laisse place à des morceaux qui sont un peu des OVNI et qui vont trancher. C’est pour ça que cet album est hyper long. Il y a une continuité d’atmosphère qui a été bien creusé. Tu va avoir un gros morceau bien violent, puis après un slow rempli d’émotions avec plein d’ambiances aussi bien à la guitare qu’à la voix. Même à la batterie, on a fait des gros changements, sur des effets, sur des caisses claires.
Etienne : Et puis, concernant Vincent, il a du mal à parler de lui, mais là il a fait un effort. Il s’est dévoilé. On l’a poussé à foutre ses tripes. Il n’y a pas de pudeur dans ce qu’on exprime dans notre musique. Et là on lui a dit d’abattre ses cartes et sur certains titres il va vraiment au fond de lui-même, ce qui n’est pas toujours facile.
Le Républicain : Est-ce sur ce nouvel album, il y aura des guests ?
Vincent : Il n’y a plus de surprise, on a fait une photo dessus : Reuno de Lofofora ! Pour l’anecdote, je l’appelle et lui dis « Mec, j’ai un morceau où j’entends ta voix, donc faut que tu viennes chanter avec nous » et il me réponds « bon, puisque tu dis ça je suis obligé de venir ». (rire) Du coup, c’était un super moment. On a partagé un truc monumental.
Le Républicain : Vous avez énormément de points communs avec Lofofora. Déjà, vous faites du metal en français.
Charlotte : Puis on est quatre (rire).
Etienne : Et on a énormément tourné avec eux. Il y avait vraiment une vraie connexion. On tourne moins avec eux maintenant. A nos débuts, ils étaient un peu nos parrains. On a du faire 30 dates avec eux sur les 90 de la première tournée. On a toujours été très copains.
Vincent : Au Bal des Enragés, Reunos et moi on a grave accroché. C’était trop bien ! C’est une de mes plus belles rencontres. Ce mec là c’est devenu un ami. Quand on se voit, on bouffe, on boit, on parle de la vie.
Etienne : D’ailleurs, ça le soule un peu que tu viennes tous les deux jours ! (rire)
Le Républicain : Vous avez prévu une tournée pour défendre cet album. Pas mal de dates ont été annoncées ces dernières semaines. Qu’avez vous prévus ?
Vincent : C’est encore un peu flou pour nous. On est encore entre la tournée des 15 ans de Sombres Efforts et la nouvelle tournée de l’album. Mais on va annoncer ça assez vite.
Etienne : On va concentrer nos efforts sur cette belle date parisienne du 4 novembre à la Maroquinerie. C’est mon club préféré à Paris, donc c’est vraiment cool de jouer là, et on compte bien faire une super java. Donc forcément on va concentrer nos efforts sur Paris et un peu moins sur la province.
Le Républicain : Vous finissez la tournée des 15 ans du premier album. On voit qu’il y a beaucoup de gens qui sont fidèles et qui vous suivent depuis 15 ans.
Julien : C’est clair !
Charlotte : Mais on revoit aussi des gens qu’on avait pas vu depuis 15 ans (rire), ça fait bizarre.
Vincent : Ces derniers mois, on a vraiment la chance de pouvoir faire des grandes salles grâce à des gros festivals comme celui-là. Pour nous, on est un groupe de scène avant tout. Et tout à l’heure, ça s’est vu. On n’est pas là pour se montrer, on a vraiment envie de partager. Dès que je m’arrête de chanter tout le monde chante !
Le Républicain : 15 ans après le premier album, ça permet d’avoir un regard sur le parcours. On vous crédité, à l’époque, de groupe rock, un peu calme de la Team Nowhere. Maintenant, quand on voit les différentes productions et évolution, vous êtes peut être le plus metal.
Etienne : Ca a toujours fait parti de notre identité, de mélanger le rock et le metal. On a toujours fait ça. On est probablement le groupe le plus complexe de la Team Nowhere, dès l’origine. Et on est les seuls à être encore là. Mais en revanche, je suis très content que Pleymo revienne. Sur 5 groupes Nowhere, ce n’est pas normal qu’on soit les derniers à jouer.
Le Républicain : Vous aimeriez faire un concert avec Pleymo ?
Etienne : (tout sourire) S’ils nous le proposent, avec grand plaisir !
Le Républicain : Et le retour de ce public qui a grandi et évolué depuis 15 ans ?
Etienne : Tous les concerts où on joue, on croise tout le temps des musiciens de la génération juste après nous qui nous disent « vous êtes le premier groupe de metal que j’ai écouté et c’est grâce à vous qu’aujourd’hui, je suis musicien », et c’est difficile de faire plus cool que ça.
Le Républicain : Merci à vous pour cette interview.
AqME : Merci à vous.
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