La méthode de calcul des financements alloués par la Région Ile-de-France aux missions locales a évolué cette année. Alors que la Région y voit une manière de mieux orienter les jeunes, notamment vers les métiers en tension, les missions locales craignent une baisse significative de leur budget.
Brice, 23 ans, est suivi par la mission locale de Moissy-Cramayel (77) depuis deux ans. Après avoir travaillé dans la restauration rapide, l’hôtellerie ou encore la vente, il recherche une formation de développeur web. « J’aime la mission locale pour son côté humain. Je me sens accompagné et reconnu pour ce que je suis« , indique ce Moisséen. Comme une quinzaine d’autres jeunes, mercredi 22 février, Brice a échangé à la mission locale avec une poignée d’élues, parmi lesquelles les conseillères régionales Dieynaba Diop et Fatima Ogbi (aussi maire-adjointe à Grigny en charge notamment de l’égalité territoriale). La visite faisait suite au nouveau budget de la région Ile-de-France, voté puis adopté par les élus le 13 décembre. Elle représentait une étape dans la tournée des missions locales entreprise par ces élues du groupe d’opposition Socialiste, écologiste et radical, afin de faire changer d’avis la Région, l’un des co-financeurs (ses financements représentent 15 à 20 % de leurs moyens), sur ce que le groupe politique estime être « un désinvestissement massif« .
Pour toucher davantage d’argent de la Région, les missions locales vont devoir changer de méthode
En 2022, la Région a consacré 16 millions d’euros aux missions locales. Le financement est divisé en deux : 90 % dépendent d’une enveloppe forfaitaire établie selon différents critères, comme le nombre de jeunes suivis et pour les 10 % restants, il s’agit d’un socle lié à la capacité de la structure à orienter les jeunes vers des formations. Désormais, selon la « Convention annuelle d’objectifs et de moyens relative au soutien régional des Missions locales en 2023 », le financement sera découpé comme ceci : une partie socle selon les critères d’activité de l’année 2022 et une partie performance « adossée à des critères de résultats de l’année 2023 dont le montant sera calculé sur la base du budget restant » (voir l’encadré). Et c’est justement cette deuxième partie que pointent du doigt les élues régionales d’opposition. « Tout ça me rappelle mon année de troisième. On voulait que j’aille en secrétariat alors que je ne voulais pas […] On oblige les jeunes à aller dans des formations qu’ils n’aiment pas, juste pour faire du remplissage« , s’est exprimée Fatima Ogbi. Mohamed Malki, conseiller à la mission locale de Moissy-Cramayel, partage cet avis. « On est tous porté sur le qualitatif de l’accompagnement ici, les jeunes se sentent écoutés. On va essayer de garder ce qualitatif, tout en faisant du quantitatif. Donc par exemple maintenant, si un jeune indique vouloir passer son permis, on va l’orienter vers un dispositif de la Région, et non plus sur le permis à un euro. Pareil pour les formations. On va être restreint dans l’accompagnement qu’on propose aux jeunes. » Car pour toucher davantage de financements, les missions locales devront désormais positionner les jeunes sur les formations proposées par la Région. « Avec cette nouvelle organisation, on pourrait perdre jusqu’à 300 000 € de financements. Six à sept conseillers devraient quitter la structure […] Plutôt que de réfléchir à notre système, on force les jeunes à aller dans des métiers en tension », a ajouté Yannick Diquelou, directeur général adjoint de la Maison de l’Emploi et de la Formation Grand Paris Sud, qui suit environ 5 000 jeunes.
La collectivité explique cette décision avec ce nombre : 250 000 jeunes sont sans emploi ni formation aujourd’hui
Pour justifier cette décision, Othman Nasrou, second vice-président de la Région en charge de la Jeunesse, évoque les 250 000 jeunes sans emploi ni formation et les 130 000 places disponibles dans les formations de la Région. En 2022, près de 9 800 jeunes étaient envoyés dans les formations de la Région, ce qu’elle estime ne pas être assez. « Aujourd’hui, l’essentiel du financement sera calculé en fonction des indicateurs de résultats […] On veut financer l’orientation des jeunes vers des dispositifs qui ont fait leurs preuves […] Si la baisse de jeunes inscrits dans nos formations se poursuit, oui, les missions locales perdront en budget. Mais il n’y a pas de raison ! […] » Si pour lui ces nouveaux modes de calcul ne posent pas de problème, mettant en avant l’avenir garanti des jeunes en les plaçant sur des formations vers les métiers en tension plutôt que dans des « voies de garage« , il dit cependant comprendre « la crainte que cela suscite » et promet d’aider les missions locales qui seraient fragilisées avec l’adoption de subventions exceptionnelles. « Il ne manquera pas un euro pour accompagner un jeune », assure le vice-président, qui est aussi à la tête d’Oriane, l’agence régionale de la promesse républicaine et de l’orientation, créée le 1er janvier. Cet outil, à destination des Franciliens à partir de 12 ans jusqu’à la retraite, va œuvrer pour l’orientation, le placement, l’insertion, ainsi que contre le décrochage scolaire. Vous pouvez déjà joindre cette agence au : 08.00.73.06.40 (numéro gratuit). « De même que la mission locale est un outil d’accompagnement, celui-ci en est un autre« , conclu Othman Nasrou. A noter que pour accomplir ses missions, Oriane dispose d’un budget d’un million d’euros.
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Les nouvelles modalités de calcul de financement
– 600 € par entrée en formation qualifiante dans un secteur en tension
– 400 € par entrée en formation dans les autres dispositifs de la Région
– 100 € par jeune bénéficiant du dispositif régional « chèques permis de conduire »
Pour information, les secteurs en tension sont les suivants : BTP, industrie, sécurité, sanitaire et social, numérique, agriculture, environnement, cadre de vie et propreté, communication, transport/logistique, hôtellerie, restauration et tourisme.
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