Essonne : Les « banlieusards » ont leur mot à dire

Arnold Nguenti a créé sa chaîne Youtube « Echo des banlieues » il y a près de deux ans. A travers ses vidéos, il laisse carte blanche aux jeunes des quartiers qui parlent sans filtre de leurs problèmes du quotidien. 

Chômage, ennui, harcèlement policier. Ces mêmes mots sont sur toutes les lèvres quand il est question de quotidien des jeunes de banlieues. Longtemps relégués au rang de spectateurs devant les reportages des médias, alors qu’ils sont acteurs de leurs histoires, un jeune a décidé de leur donner la parole publique.

Arnold Nguenti, étudiant en journalisme de 22 ans, a grandi à Levallois (92), quartier Youri Gagarine. Passionné par la vidéo depuis tout jeune, il a créé sa chaîne Youtube « L’Echo des banlieues » il y a deux ans, où il donne le micro aux jeunes banlieusards. A travers sa série « Rap ton kartier », il met en avant les punchlines d’artistes en herbe et en profite pour les laisser s’exprimer sur leur quotidien à la cité. L’épisode 4, sorti début janvier, a d’ailleurs été tourné aux Aunettes, à Evry. « C’est à travers leur talent qu’ils montrent qu’ils veulent s’en sortir, explique Arnold. Le rap est leur moyen d’expression. » Pas que des insultes à tout va, mais des paroles qui font sens  – bien qu’il avoue que ça ne soit pas toujours le cas.

Un taux de chômage trois fois plus élevé que la moyenne 

Et pour cause, selon le rapport de Jean-Louis Borloo publié le 26 avril dernier, de nombreuses réformes sont à apporter, en témoigne les 19 thématiques présentées par l’ancien ministre. « La vérité, c’est qu’aucun plan n’a jamais été mis en place […] Résultat, dans les quartiers, il y a moins de services publics, moins de crèches, moins d’équipements sportifs, moins de capacités financières des communes (30 % de moins), moins d’accès à la culture, moins de policiers, des professeurs et des agents de police plus jeunes, qui coûtent donc moins cher… C’est un scandale absolu », avait-il déclaré dans un entretien au Monde, à l’occasion de la sortie du rapport. Et les conséquences sont nombreuses : comme le manque d’emploi (le taux de chômage y est trois fois supérieur que la moyenne nationale), ou un manque de suivi des jeunes à l’école (un jeune sur six est décrocheur).

« Je pourrais partir, mais j’ai envie que les mentalités changent »

Ce « scandale absolu » est pourtant à l’œuvre. Arnold Nguenti avait tourné au quartier des Cinéastes, à Epinay-sous-Sénart, à la suite du suicide de Lucas à la Maison d’arrêt de Fleury-Mérogis en juillet dernier (vidéo disponible ci-dessous). « C’est la vidéo qui m’a le plus marqué« , confie-t-il. Endeuillés, les jeunes du quartier ont profité du tournage pour présenter leur quartier au caméra-man. « Là, on est dans le centre, tu peux filmer pour montrer comment c’est la misère« , entend-on dire un jeune des Cinéastes. « Tout est fermé, vous trouvez ça normal ? Même une baguette traditionnelle, on ne peut pas l’acheter, ajoute un autre. Il faut que je fasse deux kilomètres pour aller acheter ma baguette. Une boucherie ? Il n’y a pas. Un pressing ? Il n’y a pas non plus. J’aurais pu prendre la poudre d’escampette, mais je ne le fais pas. Pourquoi ? Parce que je suis né ici, j’ai grandi ici, et j’ai envie que les mentalités changent. » Le seul commerce dont le quartier dispose : un Franprix, où les prix sont plus chers. « Un paquet de glaces y coûte quatre euros« , précise l’un des jeunes.