Portrait : Tata Nanou, l’adorable marchande de glaces qui parcourt les cités du sud de l’Ile-de-France

Nadine Iacovone, plus connue sous le nom de tata Nanou ou d’Oscar, a le même job d’été depuis 39 ans : elle vend des glaces dans une vingtaine de cités du sud de l’Ile-de-France. Elle sillonne l’Essonne et le Val-de-Marne à bord d’un camion hérité de ses parents.

« Jusqu’en 2002, on avait une dizaine de camions. Maman s’occupait des commandes le matin et papa vendait les glaces l’après-midi. Pour nous aider, on avait recruté des ouvriers. Il y avait par exemple Daniel, qui vendait à Fleury, Grigny, Ris-Orangis et Corbeil ou Francis, qui était sur Châtenay-Malabry, Antony (92) et Fresnes (94). » Nous sommes le jeudi 27 juillet. Dehors, le temps est gris, ce qui explique que Nadine Iavocone ait tenu à nous recevoir chez elle, à Savigny-sur-Orge, plutôt qu’aux pieds d’une tour d’immeuble pendant sa tournée. Le camion de glaces est garé dans son jardin. Quand il fait « moche », les clients se font rare. C’est donc au rythme des ronflements de ses deux chiens, Gucci, un cocker de quatorze ans et Bandit, un staffie de deux ans, que la marchande de glaces de 55 ans rembobine la cassette de son histoire.

Les premières pages de l’histoire font référence à sa grand-mère. Ci-contre, le tout premier habitable avec lequel la famille a vendu des glaces. Celui-ci avait été bricolé par le grand-père Oscar, ancien carrossier.
Oscar, le grand-père carrossier

Nadine a grandi dans une famille italienne. C’est sa grand-mère maternelle qui s’est mise à vendre des glaces en période estivale. « Quand mon grand-père Oscar, ancien carrossier, est décédé, il a fallu subvenir aux besoins de ses trois enfants. Elle habitait à Savigny, à côté du Café Bardy et d’une laiterie« , se souvient sa petite-fille. Quand sa grand-mère tombe malade dans les années 60-70, c’est sa mère, alors couturière, qui reprend l’affaire. « Mes parents ont vendu leur voiture pour acheter une Estafette« , la première d’une série de dix. Puis en 1982, le couple acquiert un camion de fabrication anglaise. « Dans l’Estafette, on proposait 30 parfums de glaces. Avec le camion anglais et la machine italienne, on n’en proposait plus que deux : vanille et fraise« , détaille leur fille, dont la glace à l’italienne est aujourd’hui le produit phare. « Ils gagnaient bien leur vie, il n’y avait pas encore de glaces dans les grandes surfaces et McDonald’s n’existait pas en France [ndlr, le premier restaurant de la firme américaine a ouvert en 1979 à Strasbourg]. » L’affaire était bien rodée. L’hiver, le couple vendait des crêpes et des gaufres. Alors quand Nadine est née, elle a tout de suite pris place à bord.

Petite, Nanou a très vite pris part à l’aventure. Ses parents avaient installé un couffin dans le camion afin de l’emmener partout avec eux.

« Ils ont retiré le siège passager pour y mettre un couffin. Quand ma mère faisait déjà le tour des cités, elle me laissait chez une dame à Thiais (94) », se remémore la Savinienne. Après le décès de sa mère à l’âge de 71 ans, Nadine, à qui la défunte avait confiée la gestion de l’entreprise familiale, continue à vendre des glaces aux côtés de son père. A l’été 2021, Dominique Iacovone, qu’on surnommait le Glacier des quartiers, rejoint sa femme dans les cieux. Nadine a été profondément touchée par le décès de ses parents, ses deux piliers, qui lui ont transmis leur « rage de vivre« . Pendant deux jours, elle n’ira pas travailler, avant que ses clients ne se manifestent. « Ils m’ont appelée pour me dire que je leur manquais« , se souvient la marchande avec émotion. C’est ainsi qu’elle a repris la route, dans ce camion qui a maintenant 33 ans.

Une petite musique annonce toujours son arrivée

Chaque été, elle a cette même routine : « Le matin, je charge les marchandises (cornets, lait et esquimaux), puis à 15h30 je pars pour Thiais (94). » Ensuite, elle roule jusqu’à Vitry, Choisy, Orly, Villeneuve-le-Roi, Athis, Savigny, Juvisy et Grigny, avant de rentrer chez elle vers 21h. Des municipalités qu’elle tient d’ailleurs à remercier pour leur accueil. Elle annonce toujours son arrivée dans les quartiers avec une petite musique, la même que son père. « Parfois il n’y a personne, puis dès que j’arrive, tout le monde descend et commence à faire la queue« , raconte celle qui travaillait en intérim le reste de l’année. Nanou dit ne pas faire ce métier pour l’argent mais pour le contact avec les gens. Même si les coûts augmentent, comme l’essence, le lait ou les cornets, le tarif des glaces Oscar n’ont pris que trente centimes en 20 ans, pour le plus grand bonheur des enfants.

Tout ce qui pourrait éloigner Nanou de son camion, ce seraient des soucis de mécanique. « Les pièces Mercedes sont compliquées à trouver. » En attendant, tant que le soleil continuera à chauffer, Nanou sera là pour voir ses clients déguster.