Le Morignacois Gérard Moneyron (6 participations à la Grande Boucle dans les années 70) nous a livré ses impressions sur la 109e édition du Tour de France.
Le Républicain de l’Essonne : La 109e édition du Tour de France s’est achevée ce dimanche avec le succès historique du Danois Jonas Vingegaard (Jumbo-Visma). Qu’est ce que vous avez appréciez durant ces trois semaines de course ?
Gérard Moneyron : « Les paysages (rires). Les paysages des quatre premières étapes on avait pas l’habitude de connaître. C’est quand même formidable ! Il faudrait organiser le Tour de France qu’à l’extérieur de la France. Vous avez vu la foule qu’il y avait au Danemark ? A chaque fois que tu vas à l’étranger il y a du monde au bord des routes.
J’ai l’impression que les Français sont blasés. En France, il n’y a pas de monde sur le bord des routes. Si on compare à l’époque où je courais dans les années 70, il n’y avait pas de camping-car dans les cols. Alors que maintenant si tu regardes, tu as des caravanes. Ça donne l’impression qu’il y a du monde mais si tu mets deux-trois personnes par caravane, ça ne fait pas beaucoup de monde par rapport à ce que l’on a vu au Danemark ou quand tu passes à l’étranger. Maintenant les gens viennent voir le Tour de France pour une fête. Venir voir la caravane… Si tu prends tous les spectateurs qui sont là, tu dois en avoir que 5% qui suivent le vélo du 1er janvier au 31 décembre.
Mais si je dois retenir un moment qui m’a plu en ce qui concerne la course, c’est le coup de jarnac du Col du Granon. Généralement un truc qui te plaît c’est quelque chose auquel tu ne t’attends pas ! Et je pense qu’il y a des tas de suiveurs de la course, à qui on aurait dit le matin que Pogacar allait se coucher et que Vingegaard allait lui mettre trois minutes, il n’y aurait pas eu beaucoup de mecs qui l’auraient cru.
J’ai aimé aussi la victoire de Christophe Laporte lors de la 19e étape ! Surtout de la manière dont il gagne. C’était une arrivée en bosse. Pour aller gagner là-haut, il faut avoir de grosses jambes. Il a lancé le sprint de loin. Généralement dans un truc comme ça tu penses que la ligne se rapproche vite mais elle arrive doucement.
Le Rép : A l’inverse, qu’est-ce qui vous a déplu sur le Tour ?
G.M. : Il faut arrêter avec les oreillettes… C’est tellement mieux sans comme lors des championnats de France ou du monde. Aujourd’hui, j’ai l’impression que les coureurs c’est comme des mômes. Dans les oreillettes il faut leur dire « il faut que tu pisses, il faut que tu manges, il faut que tu tournes à gauche »… Et je ne parle pas des boitiers qui permettent de calculer les watts. C’est de la connerie.
Le Rép : Que pensez-vous de la bataille du maillot jaune ?
G.M. : Je pense que Pogacar aurait pu garder son maillot lors de l’étape du Granon. Quand tu as un coup de moins bien sur trois bornes, c’est qu’il y a une connerie quelque part. L’équipe ne l’avouera peut-être pas mais ils le savent ! Il a probablement dû oublier de s’alimenter. Quand j’étais coureur on m’a toujours dit que dans une étape de montagne, il faut manger tous les quarts d’heures. Tu sais pas ce qu’il peut se passer ! Tu sais que si tu ne le fait pas, tu vas passer par la fenêtre. Et c’est ce qu’il s’est passé. Le coup de moins bien qu’il a eu, c’est qu’il n’avait plus rien dans les chaussettes.
Mais honnêtement à part une défaillance, une chute ou un problème mécanique, tu t’aperçois qu’entre les deux il n’y a rien. Il y a eu une belle bataille entre les deux. En tout cas, Vingegaard reste un bon maillot jaune. Au Col du Granon, il n’a pas eu peur d’attaquer !
Le Rép : Que pensez-vous du Tour des Français ?
G.M. : C’est pas le Tour des Français… Mais de toute façon tu t’aperçois que dans toutes les grandes courses de l’année, les Français ne sont plus là ! Dans un peloton tu as les très bons, les bons et les mecs qui suivent. Je pense que nous on est entre les très bons et les bons. Mais un coureur français très bon, on en a pas ! Je me demande parfois si Julian Alaphillippe aurait eu les résultats qu’il a eu dans une équipe française ? Je pense qu’en France on a beaucoup de « fonctionnaires » dans les équipes. Quand je dis fonctionnaire, je pense « état d’esprit ».
Si tu prends l’exemple de Christophe Laporte, avant il était chez Cofidis et maintenant qu’il est à l’étranger (Jumbo-Visma) il gagne une étape de Paris-Nice et il emmène les sprinters de son équipe sur le Tour. Et il a remporté la seule étape française de l’édition 2022. Je ne suis pas sûr que les autres soient meilleurs, mais qu’il y a un problème. Je ne dis pas que les mecs sont mauvais mais que l’état d’esprit n’est pas bon. J’ai l’impression que dans nos équipes françaises, on les coucoune trop. Alors que c’est les autres, c’est la culture de la gagne.
G.M. : Laporte ce n’est pas n’importe qui. Il a déjà gagné une étape sur Paris-Nice. Alors maintenant est-ce qu’il a sauvé le Tour des Français ? Moi je pense que les Français sont à leur place. Aujourd’hui, qu’est ce que l’on attend des Français ? Il y a deux types de public. Il y a ceux qui n’y connaissent rien au vélo et pour qu’il n’y a qu’une seule course dans l’année c’est le Tour de France. Et ceux qui regardent la saison intégrale… Je pense que le Tour des Français il correspond au niveau du cyclisme français en ce moment. De toute façon si tu enlèves Jacques Anquetil, Laurent Fignon, Bernard Hinault… Tu t’aperçois que tu as toujours des français qui vont faire 4e ou 5e.
Mais les Français ils ont été inexistants dans ce Tour. David Gaudu termine quatrième et Romain Bardet septième mais il faut regarder les écarts ! Les deux terminent très loin de Vingegaard. Si tu analyses la course de Gaudu, il n’a jamais influencé les étapes. C’est jamais lui qui a flingué pour faire la différence. Lui à la limite, il était bien content d’être à sa place et de suivre quand les autres ont mis le tempo. Est-ce qu’il a attaqué une fois pour mettre en difficulté les trois premiers du général ? Jamais. En fait, il a suivi.
Est-ce que Gaudu peut gagner un Tour de France ? Il va falloir qu’il s’améliore en contre-la-montre pour éviter de perdre trois minutes à chaque fois. En tout cas, le prochain français qui va gagner le Tour de France, je ne sais pas où il est. Il est peut-être en minimes ou en cadets.
Le Rép : Que pensez-vous de la performance des Essonniens Tony Gallopin (Trek-Segafredo) et Anthony Turgis (Total Energies) qui finissent respectivement 37e (à 2h25) et 129e (à 5h20) du classement général ?
G.M. : C’est malheureux pour Anthony. Je pense que sur l’étape des pavés ou une autre il aurait pu en gagner une. Malheureusement il a chuté dès le début de la course. Le Tour de France c’est con car une fois que tu as la scoumoune c’est dur. Il faut espérer qu’il n’est pas la poisse l’an prochain. Car il a fait un très bon début de saison, il était en forme. Il avait la place pour faire quelque chose. Concernant Tony, je ne sais pas s’il aurait pu gagner une étape car ce n’est pas le Tony de 2014 mais il a fait un très beau Tour de France. »